Sort_sol_pdfnetIl s’agit de la plus grosse étude scientifique jamais entreprise sur les oiseaux. Elle est le fruit d’une collaboration entre près de 80 laboratoires de recherche, qui ont réalisé le séquençage du génome de 48 espèces d’oiseaux, parmi les 10 000 que l’on connait actuellement.

Parmi les nombreux résultats de cette étude (une vingtaine de publications au total), l’une des plus importante concerne la reconstitution de l’équivalent de l’arbre généalogique des oiseaux. A partir des génomes et au prix de calculs ayant demandé un total de 300 ans de processeur, il est en effet possible de préciser les relations de parenté entre les différentes espèces, et même de dater dans une certaine mesure les divergences entre les différentes lignées.

Comme je suis sympa, je vous ai redessiné l’arbre à partir de données publiées dans Science [1], vous pouvez cliquer pour le voir en plus grand.

arbre oiseaux

(Petite précision : dans cet arbre, je n’ai noté sur chaque branche qu’un représentant typique de chaque groupe, en général l’espèce séquencée dans l’étude. Mais par exemple ici « Moineau » désigne en fait le sous-ordre des Oscines, qui comprend à lui seul près de 4000 espèces dont le corbeau, l’oiseau-lyre, etc.)

Ce nouvel arbre apporte plusieurs enseignements remarquables, qui contredisent notamment certaines théories que l’on a pu faire en se basant uniquement sur des critères morphologiques. On voit dans cet arbre que les autruches sont les oiseaux qui ont divergé le plus tôt des autres, ce qui est peu surprenant; mais aussi que les poules et autre canards sont aussi un groupe bien distinct. Plus amusant, on voit que le flamant rose est assez proche de la colombe et du pigeon, plus qu’il ne l’est par exemple du pélican.

Comme cet arbre permet de dater les divergences, on en apprend aussi beaucoup sur l’histoire de l’évolution des oiseaux. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans un billet, nous savions déjà que les oiseaux sont des descendants des dinosaures. Mais on sait maintenant mieux comment les différentes espèces se sont construites. En particulier l’arbre ci-dessus révèle qu’un « big-bang » de diversité s’est produit juste après la catastrophe qui fut à l’origine de l’extinction des dinosaures, il y a environ 65 millions d’années. Vous pouvez voir sur l’arbre que c’est autour de cette période que se produisent la majorité des diversifications. La quasi-totalité des groupes se sont constitués entre -65 et -50 millions d’années.

Les résultats du consortium ont permis également de dater assez précisément le moment où les oiseaux avaient perdu leurs dents dinosauriennes : vers 116 millions d’années. Enfin l’arbre ci-dessus montre que l’émergence de la vocalisation chez les oiseaux avait eu lieu au moins deux fois de manière indépendante (chez tous les oiseaux situés en haut de l’arbre, ainsi que chez le colibri), et que celle-ci fait intervenir des gènes qui sont très proches de ceux que l’on retrouve chez l’être humain. Comme quoi étudier les oiseaux pourrait peut-être nous apprendre un peu sur notre propre langage !

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Crédits

Références

[1] E.D. Jarvis et al. « Whole-genome analyses resolve early branches in the tree of life of modern birds » Science 12 December 2014: Vol. 346 no. 6215 pp. 1320-1331

Comments

  1. Matthieu Gaudé Reply

    Bonjour,
    Etant donné que les mots sont importants, surtout pour un blog comme le vôtre (très suivi), je trouve que vous êtes un peu frileux sur l’utilisation du terme dino pour les oiseaux malgré les articles que vous avez produit sur ce thème.
    Je m’explique :

    Vous parlez « d’extinction » des dinos, ce terme devrait à l’heure actuelle être banni depuis l’intégration des oiseaux dans le buisson évolutif des dinos, il implique que les oiseaux émergent à la suite de l’eradication des dinos.

    Je n’aime pas non plus le terme « descendants » quand on évoque les dinos aviens, je ne suis pas sûr qu’un explorateur au crétacé supérieur aurait pu différencier au premier coup d’oeil certains dinos aviens d’autres non-aviens. C’était juste une branche parmi d’autres dont l’importance était peut-être similaire à d’autres dans le buisson, le hasard a voulu que ce soit celle-ci qui perdure depuis l’élagation du buisson dinos (les chercheurs nous diront un jour pourquoi).

    Cette petite remarque ne vise que la forme (un détail) et non le fond (je n’ai rien à vous apprendre) car j’ai l’impression que perdure des termes dans le monde de la vulgarisation qui nuisent à la progression dans le public de certains concepts scientifiques établis. La « disparition » des dinos en fait partie et la « descendance » induit souvent l’idée d’une évolution linéaire et non buissonnante, c’était le but de mon propos.

    Merci pour votre blog, j’attend toujours vos nouveaux articles avec impatience !! 🙂

  2. « au prix de calculs ayant demandé un total de 300 ans de processeur »

    Lequel ?

    Plus sérieusement, c’est le genre d’info sensationelle, mais pas très utile en soi car 300 ans de 486 DX sont beaucoup moins productives que 300 ans du dernier processeur 256 cores à la mode !
    Je peut-être raté le lien, mais quelle est la source de cette info ? est ce qu’il n’y a pas de donnés de temps de calcul plus exploitable que cela ?

    • Dans les matériel supplémentaire :

      http://www.sciencemag.org/content/346/6215/1320/suppl/DC1

      « We carried out tree inferences at seven computing centers: the Heidelberg Institute for
      Theoretical Studies (HITS), the San Diego Supercomputer Center (SDSC), and the Leibniz
      Rechenzentrum Munich (LRZ), the Texas Advanced Computing Center (TACC), the Georgia
      Advanced Computing Resource Center (GACRC, for UCE trees), Amazon Web Services (AWS,
      for UCE trees), and the Nautilus supercomputer at the National Institute for Computational
      Sciences of the University of Tennessee and Smithsonian. Computations at HITS were
      conducted on clusternodes consisting of 4 AMD Magny-Cours processors (12 cores each) with
      either 128 GB or 256 GB RAM. Most inferences on the whole genome dataset under PSR were
      conducted on computing nodes at HITS consisting of 3 Intel Sandy Bridge CPUs (4 cores each)
      with 32 GB RAM per node. The cluster at SDSC has nodes with 2 Intel Sandy Bridge CPUs (8
      cores each) and 64 GB RAM. For inferences at the LRZ, we used the SuperMuc supercomputer
      that currently is on rank 10 among the 500 fastest supercomputers in the world [top 500
      supercomputer sites, 2013]. The SuperMuc computer comprises 9,216 Intel Sandy Bridge nodes
      with 16 cores each and 32 GB RAM per node. »

      Et dans le texte de l’article même :

      http://www.sciencemag.org/content/346/6215/1320.full

      « These computationally intensive analyses were conducted on more than 9 supercomputer centers and required the equivalent of >400 years of computing using a single processor (SM3 and SM4). »

      Après moi j’y comprend rien hein, et ça ne nous donne aucune information en soit sur la qualité de leur résultat :p

  3. Merci pour l’article.
    Où se trouvent le Dodo et le Moa sur cet arbre ?

    • David Reply

      A confirmer mais le Dodo doit être avec les colombes et pigeons, et le Moa plutôt cousin des autruches.

      • A t-on examiné le génome des kiwis (Apterygidae) ? On dit que ce sont des oiseaux dégénérés, mais ils n’ont pas et n’ont jamais eu de bréchet, ni probablement de plumes. Ils sont classés dans le groupe sans-bréchet (émeu – nandou – casoar – autruche) mais le kiwi est fort différent, notamment par l’absence de plumes et la quasi-absence d’ailes, et pourrait ainsi se trouver le mieux placé pour être un dinosaure vivant, le dernier, et pas un oiseau.
        Tous les dinosaures n’étaient pas couvert d’écailles et tous n’avaient pas de dents, il ne reste rien au kiwi pour être un oiseau, à part que les dinos ont disparus et pas lui mais ce n’est pas un argument pertinent.

  4. C’est une étude qui fera date c’est sûr, mais pour atténuer un peu le sensationnalisme…

    Du strict point de vue de la phylogénie, il n’y a rien de nouveau dans cet arbre.
    La dichotomie paléognathes (autruches + tinamous) / néognathes (tous les autres) est ancienne et était déjà connue des anatomistes et paléontologues.
    Certains groupements, comme la proximité des canards et des gallinacés datent de la première utilisation des données moléculaires … dans les années 80 (la fameuse classification de Sibley-Ahlquist, basées sur les taux d’hybridations entre fragments d’ADN d’espèces différentes).
    De même le fait que les faucons soient plus proches des passereaux que des aigles, ou que les oiseaux marins forment tous un groupe entre eux, ça date de la fin des années 2000. En ça il y a un consensus qui s’est développé et cette étude confirme ce consensus (du moins, sur les points les plus importants).

    La vraie nouveauté ici, c’est quelles sont les données utilisées. Traditionnellement, on utilise en phylogénie quelques gènes choisis pour leur vitesse d’évolution adaptée. Plus récemment se sont développées des techniques, dites de phylogénomique, qui permettent d’avoir un jeu de données couvrant une grande partie du génome (mais pas tout).
    Ici, ils ont utilisé des génomes complets, c’est à dire qu’ils ont au moins une partie de la séquence de tous les gènes de l’animal. C’est une quantité de données considérables (d’où le grand nombre de labos impliqués).
    C’est ce travail collaboratif énorme qui est à saluer ici.

    Le revers de la médaille c’est que ça coûte (encore) cher d’avoir des génomes complets. Du coup, ils ont peu d’espèces par groupe. Parfois une espèce pour des groupes qui en concentrent des dizaines voire des centaines. Leur liste d’espèces est parfaitement choisie pour avoir une phylogénie, mais certaines questions ne peuvent pas être résolues avec un échantillonnage si petit. Par exemple, si on avait pas sû (ou du moins supposé) que les faucons et les aigles n’étaient pas apparentés étroitement, ils n’auraient peut-être pas eu les deux dans leur jeu de données.
    Aussi, quelqu’un a évoqué les espèces éteintes récemment comme le dodo ou les moas. C’est en effet dommage qu’ils ne les aient pas incluses : on a maintenant des techniques pour séquencer le génomes d’espèces éteintes (ça a été fait avec Neanderthal, beaucoup plus ancien que les derniers dodos).

    La nouvelle intéressante de cette étude, c’est l’âge qu’elle donne pour les oiseaux modernes (c’est à dire le groupe qui concentre toutes les espèces actuelles : il y avait des oiseaux beaucoup plus anciens, mais ils étaient à l’extérieur de ce groupe). Les premières études datées donnent les oiseaux modernes déjà diversifiés au milieu du Crétacé (environ 70-80 millions d’années), ce qui est étrange car il n’y a pas de fossiles qui soutiennent ça. A l’inverse, on se met à avoir des fossiles d’oiseaux modernes juste après la crise Crétacé-Tertiaire (dans laquelle les autres groupes de dinosaures, y compris certains groupes d’oiseaux ont disparu). Or, cette étude montre exactement cela, une radiation du groupe après cette crise, il y a 65 millions d’années.
    Et pour ça, justement, les génomes complets sont pertinents car ils estiment mieux les vitesses d’évolution puisque tous les gènes sont pris en compte en même temps.

    Une étude importante donc, mais avec rien de nouveau, juste la confirmation d’hypothèses qui étaient déjà bien soutenues. C’est déjà pas mal, me direz vous 🙂 (et puis, médiatiser la phylogénie ça fait toujours plaisir)

    • David Reply

      Mince alors, ça c’est du commentaire ! Merci d’avoir précisé toutes ces choses !

    • Matthieu Gaudé Reply

      Ce qui contredit mon premier commentaire d’une certaine manière vu que le groupe « oiseaux modernes » émerge vraiment à l’issue de la crise CT. Il n’y a pas de survivance d’un groupe déjà établi… donc une descendance avant radiation dans ce cas ! Gasp !
      Merci pour toutes ces précisions.

  5. Ma maman passionnée d’oiseaux demande « est-ce que « l’émergence de la vocalisation » est indiqué par la ligne verticale pointillée ? Et comment peut-on être certain que les dino-oiseaux ne chantaient pas avant ? « 

    • David Reply

      Sur le schéma, les oiseaux qui vocalisent sont tous ceux qui vont du moineau au vautour, ainsi que le colibri.
      Vu que le groupe « Moineau-Vautour » s’est formé peu après la crise CT, on peut imaginer qu’ils avaient un ancêtre commun qui faisait des vocalises. Chez le colibri c’est apparu indépendamment. Bien sûr on peut imaginer un autre scénario ou le dernier ancêtre commun du moineau et du colibri chantait, et où seul le colibri aurait conservé cette aptitude, mais c’est beaucoup moins économe comme scénario.

  6. Très intéressant. Concernant la vocalisaton : je me demande depuis longtemps pourquoi l’immense majorité des humains trouve le chant du rossignol très agréable, alors que celui du corbeau… (c’est une question sérieuse, hein…)

  7. Quand vous parlez de vocalisation, vous faites allusion à la capacité qu’ont certaines espèces d’oiseaux d’apprendre de nouveaux chants ?

    Pour le séquençage du dodo (et sans doute encore plus du Moa) il me semble qu’il n’y a quasiment plus de source ADN, et en tout cas beaucoup moins que pour l’homme de Neandertal ou les mammouths.

  8. christophe nicolas Reply

    Oui, c’est un peu comme le coelacanthe qui est sorti de l’eau pour marcher, et qu’on a retrouvé dans l’eau. Le canard et la poule ont le même ancêtre ? Mouais… Il suffit que le champ magnétique s’inverse pour fausser toutes les datations à cause du flux des rayons cosmiques et on pourrait prévoir à 60 millions d’années ! On sait très bien que les évolutionnistes racontent des bobards en permanence. Qu’ils fassent une prédiction et on les classera dans la science, dans 100 millions d’années… peut-être. Pour l’instant, ils sont dans la foi, dans la mauvaise foi…

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