Aujourd’hui on parle de ce phénomène d’intolérance à l’alcool qui semble particulièrement répendu en Asie orientale

Petite remarque méta pour commencer. La dernière vidéo était longue, m’avait demandé pas mal de boulot et a comparativement peu marché. Voici le genre de graphique que Youtube nous donne pour nous dire ça.

Clairement ça partait mal, et quand ça part mal il y a un effet de feedback qui fait que Youtube va moins montrer la vidéo, donc elle sera moins vue. Alors bien sûr je pourrai blâmer l’algorithme, mais je me suis dit qu’il fallait aussi que j’admette que les vidéos de 38 minutes n’attirent pas le même public. Alors cette fois j’essaye un truc plus court. J’espère que je n’aurai pas droit à trop de « Trop court. On reste sur notre faim. »

Car cela fait longtemps que je voulais faire cette vidéo, en fait depuis que j’ai fait celle sur l’intolérance au lactose, que je vous recommande aussi ! Ce qui m’a décidé c’est un récent billet du blog Dynomight qui reprenait cette analyse, tout en mentionnant le parallèle entre les mutations et le disulfirame, un médicament qui provoque des effets analogues (pic d’acétaldéhyde lors de la consommation d’alcool). L’usage du disulfirame y était présenté comme un analogue de l’interdiction de casino : un truc qu’on peut faire volontairement pour se prémunir d’une addiction potentielle.

Concernant le métabolisme et la fermentation alcoolique, je suis resté évasif sur les processus exacts. Tout cela fait en fait intervenir toute une machinerie enzymatique dont le bilan net est de transformer deux molécules d’ADP en ATP. A côté de cela, la respiration cellulaire classique permet d’oxyder complètement le glucose, et de régénerer 36 molécules d’ATP par molécule de glucose. On voit la différence importante d’efficacité !

Si vous lisez un peu en détail les titres ou les abstracts des différentes publications que j’ai cité, vous noterez un aspect important que j’ai mis sous le tapis pour des raisons de clarté : il existe en fait plusieurs enzymes ADH et ALDH. La plupart des mutations dont on parle concernaient les enzymes ADH1 et ALDH2, et il existe plusieurs mutations pour chacune. Si vous essayez de lire les papiers, les notations sont souvent du genre ALDH2*1 et ALDH2*2 pour désigner par exemple la version « commune » et une des versions mutées.

Un point que je n’ai pas mentionné car je n’ai pas assez creusé les références : il semblerait que lorsqu’on parle de cancers, ce soit surtout l’acétaldéhyde qui soit cancérigène plutôt que l’éthanol lui-même. Cela a une conséquence facheuse : si une personne « intolérante » se force à boire, ou apprend à boire même avec son intolérance, elle sera bien plus à risque de cancer du fait du pic d’acétaldéhyde.

20 Comments

  1. Pour la dernière vidéo, c’est peut-être l’effet des concours de classes prépa ?

  2. Avec l’introduction, j’ai eu peur de tomber dans une vidéo traitée de manière superficielle, mais non, on est toujours sur la même qualité 🙂

  3. Merci David.
    Je pense qu’au delà de la longueur de la vidéo précédente, le niveau technique de son contenu était un peu élevé pour le youtuber moyen, alors que celle-ci va concerner beaucoup plus de gens 😉
    De mon coté, je l’avais vraiment appréciée. Elle m’avait permis de me mettre à jour par rapport à la serie de vidéos des cours de Charles Bailyn de Yale qui datait un peu (https://www.youtube.com/watch?v=nzmFc2gjUo4&list=PLkF8z4_rEiHgXl3ucg0OLn_ncdIL60bpi).
    En tout cas, j’espère que vous ferez toujours des vidéos avec un contenu bien touffu, même si c’est en alternance avec des sujets plus légers et proches du quotidien pour booster l’audience.

  4. Merci pour toutes ces vidéos rigoureuses et approfondies.
    Il est vrai que le format YouTube se cantonne surtout autour de dix à quinze minutes (estimation de tête) et je trouve dommage que ça laisse de côté d’autres formats, car des explications plus détaillées ont très souvent plus de valeur à mon avis quand on considère les formats que vous pratiquez. À vous de voir donc !
    Concernant celle-ci, je cherchais à accéder à la méta-analyse des effets néfastes de l’alcool, mais ni la description de la vidéo ni ce billet ne semble inclure de lien vers cette référence, et il semblerait qu’il soit de même pour les quelques billets précédents que j’ai regardé. Évidemment, le titre et DOI sont montrés dans la vidéo, donc pas de problème dans l’immédiat, mais ne pensez-vous pas qu’il puisse être utile à l’avenir d’inclure dans le billet des liens vers les références que vous utilisez ?

  5. Très intéressant et clair, comme toujours

    Je voulais réagir à l’idée que la consommation d’alcool n’a que des effets négatifs à long terme, sur l’individu et la société.
    Enfin je ne sais pas si c’est ta position, c’était certainement la mienne il y a peu (et celle de beaucoup de gens j’ai l’impression, y compris des gens qui boivent régulièrement de l’alcool)
    Mais j’ai été assez convaincu par le point de vue du sociologue Ted Slingerland, dans un podcast adéquatement nommé:
    https://www.fourbeers.com/67

    Son raisonnement est en gros:
    – On sait que l’alcool a des effets négatifs considérables sur les individus et la société
    – Des adaptations génétiques (les mutations dont tu parles) et culturelles (l’interdiction de l’alcool, avec des degrés de succès variés) existent, et elles permettent permettent d’éviter ces effets
    – Et pourtant les civilisations dotées de ces adaptations n’ont pas eu un succès radicalement supérieur aux autres

    Donc l’alcool devrait aussi des effets bénéfiques.
    Slingerland en propose plusieurs dans son livre, en particulier
    – la restriction de l’inhibition qui peut amener à des interactions productives
    – la déterioration de mécanismes permettant la manipulation, qui peut renforcer les liens sociaux et améliorer la confiance entre partenaires d’affaires
    Il justifie son propos avec des chiffres intéressants sur les dépôts de brevets, etc

    Il en conclut que les mesures de contrôle de la consommation d’alcool, même si elles devaient se raffermir, devraient prendre en compte ces effets positifs au même titre que les effets négatifs

    Je trouve ce raisonnement assez cohérent, surtout la première partie

    Enfin peut-être que tu es déjà au courant

    • Intéressant ! En fait pour expliquer que « les civilisations dotées de ces adaptations n’ont pas eu un succès radicalement supérieur aux autres », j’aurai plutôt invoqué le fait que la pression de sélection associée est certainement très faible maintenant (du fait de la médecine, ou du progrès en général)

  6. MERCI CONTINUEZ A M ÉTONNER.
    « Plus c’est long, plus c’est bon »… ne serais donc pas de mise sur YouTube ?
    Aucun problème pour moi… Quelque soit le format, je regarde tout avec grand intérêt.
    Et de préférence via ce blog qui apporte des données supplémentaires. Ne l’arrêtez pas
    Pour ma part, j »ai beaucoup aimé le dernier dossier sur les exoplanètes.

  7. Bonjour !
    J’ai beaucoup aimé cette vidéo et j’ai eu plaisir à suivre votre raisonnement pour essayer de comprendre ces résultats étonnants 🙂
    Il y a juste un point dans l’argumentation qui me paraît étrange. Si on vous suit, ce serait la plus ancienne zone du monde à avoir commencé à fermenter l’alcool qui aurait dû développer cette mutation, et donc l’intolérance à l’alcool. Or, si l’on part du principe que la création de boissons alcoolisées accompagne la sédentarisation et l’invention de l’agriculture, c’est-à-dire le Néolithique, alors la population concernée ne devrait pas être celle d’Asie, mais celle de Mésopotamie – donc la zone Irak-Turquie-Iran actuelle. En comparaison de cette région, la domestication du riz en Asie et donc la création des alcools qui en sont dérivés sont des phénomènes plus récents.
    Alors, phénomène similaire mais non identifié dans les pays de la zone ex-Mésopotamie? Ca m’étonnerait vu le nombre de grands buveurs que j’y ai rencontré x) Ou une autre hypothèse? Je serai ravi d’avoir votre avis !

  8. Michel Leduc Reply

    Question comme ça. On parle ici des « Orientaux ». A-t-on étudié des groupes partiruliers? Est-ce que ces « orientaux » sont à l’origine des autochtones d’Amérique? On dit souvent qu’ils supportent mal l’allcool!

  9. Cette vidéo est un peu trop courte, on reste sur notre soif 😁

    • Oh et comme ma moitiée est concernée par cette mutation, la vidéo a été très appréciée 😉
      Merci.

  10. Bonsoir David,

    Pour la forme, 2 détails dans les titres…
    syndrOme ne prend pas d’accent circonflexe (certes c’est tentant, mais non)
    répAndu (du verbe se répandre)

    Pour le fond, la longueur de la vidéo précédente se justifie pleinement par le nombre de méthodes à aborder.
    Malheureusement, effet Twitter et ses 140 caractères, flemme qui se généralise quant aux papiers (ou vidéos) un peu plus longs que la moyenne, les lecteurs/spectateurs tendent à délaisser les contenus jugés « un peu longs », rien qu’en regardant la longueur d’une vidéo.
    C’est regrettable, mais continuez ce format si le sujet le justifie : vous avez un public pour ça et des zappeurs intempestifs à rééduquer.

    Merci.
    Philippe

  11. Dieter Gold Reply

    Bonjour,
    toujours très intéressant, que ce soit court ou long, et des approches très variées – merci !
    Juste un commentaire sur les populations ayant été les premières à consommer de l’alcool : les Géorgiens et les Arméniens se disputent le « mérite » d’avoir découvert le vin, il y a peut-être 6000 ans, et développé sa production et dégustation. Qu’en est il de leurs mutations des enzymes concernées ?

    Dieter

  12. Faustin Bertrand Reply

    Bonjour,

    En lien avec la vidéo, je me suis déjà demander si la médecine d’aujourd’hui et plus spécifiquement les programmes d’aide à la conception, ne permettra pas à des mutations indésirables de se transmettre ?
    Des personnes qui n’auraient pas pu avoir d’enfant, en ont avec l’aide de la science, et de fait leurs enfants hérites potentiellement de ces problèmes ?
    Réflexion complètement personnelle et je suis peut-être complètement à côté car je n’ai pas approfondi.

    Merci

    • Eh bien sans aller jusque là, on sait que le progrès technologique en général abaisse la « pression de sélection » grâce au fait de guérir des maladies, donc oui notre espèce évolue certainement différemment de ce qu’il se passerait si on n’avait pas de technologie.

  13. François Reply

    Bonjour (et déjà merci)
    As-tu connaissance d’études, peut-être pharmacologiques, sur la création d’une substance basée sur ces enzymes dont l’administration permettrait d’accélérer le processus de dégradation de l’éthanol et de l’acetaldehyde ? Notamment dans les cas de comas éthyliques.
    Je me demandais si fournir une aide à base d’enzymes plus performantes permettrait d’accélérer le processus. (Certains verraient en ce traitement un remède anti gueule de bois d’ailleurs mais c’est pas forcément mon propos).
    Merci

  14. Bonjour,
    Comme d’habitude, la dernière vidéo est très attendue et la variété dans les thèmes est rafraîchissante.
    J’ai failli trouver que le sujet était un peu survolé mais le billet de blog m’a apporté quelques clefs. En particulier, si ça n’est pas la molécule d’éthanol qui est “toxique “ mais son produit.
    Au passage, les personnes mutées sont rouge plus vite mais saoules moins longtemps, c’est cela ?

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