C’est bientôt la rentrée, alors on commence à se réchauffer les neurones avec un peu de maths ! La vidéo du jour est un patchwork de petites choses dont j’avais envie de parler
Au sujet du développement décimal de la diabolique égalité 0.9999… = 1, la démonstration qui me satisfait le plus est certainement celle qui se base sur une définition du développement décimal sous forme de série dans une base b.
\(x = \sum_i a_i b^i\)
où la somme est finie pour les i positifs mais potentiellement infinie pour les i négatifs, ce qui donne le développement décimal « après la virgule ». Dans ce cas on peut montrer plus formellement que si à partir d’un certain rang (négatif) les \(a_i\) sont uniquement des \(b-1\), alors il existe un autre développement décimal fini.
Concernant la notion de nombre univers, une petite anecdote. Dans un de mes livres j’ai évoqué cette notion. Il se trouve que le livre a été traduit en chinois, et la traductrice m’a contacté car elle ne comprenait pas bien à quelle notion je faisais référence, et si c’était différent de la notion de nombre normal.
Je lui ai expliqué que oui, c’était différent, et que la notion de nombre normal était plus forte que celle de nombre univers. Dans un nombre univers, toute suite finie de décimale apparait au moins une fois. Dans un nombre normal, toute suite finie apparait une infinité de fois et avec une fréquence identique à toutes les suites finies de même taille (qui doit être \(b^{-L}\) où L est la longueur de la suite).
Pour aider la traductrice, j’ai cherché le terme anglais pour « nombre univers », et j’ai découvert ….qu’il n’existe pas ! La notion de nombre univers semblait spécifique au français ! En fait je pense qu’il s’agit d’un concept peu utile dans les vrais mathématiques (contrairement au concept de nombre normal) et qui existe uniquement en vulgarisation. La formulation de ce texte de Jean-Paul Delahaye me laisse penser qu’il s’agit de son oeuvre !
Concernant les fractions continues, vous aurez sans doute tiqué en remarquant que l’adjectif « continu » ne veut pas dire grand chose ici, il n’y a rien de continu dans ces fractions ! Le terme anglais est d’ailleurs continued fraction que certains traduisent plutôt par fractions continuées, ce qui sonne un peu bizarre mais est un peu plus adapté.
Dernière remarque concernant mon petit passage sur les nombres « descriptibles » ou « définissables ». Pour le coup on a bien un article Wikipédia en anglais sur le concept de definable real number, voir en particulier la définissabilité dans ZFC. Mais on a rien d’équivalent en français, à part cette discussion avec JP Delahaye, toujours lui !
21 Comments
Bonjour David,
Merci encore pour cette vidéo et ces explications passionnantes !
Petite remontée : le lien de « ce texte de Jean-Paul Delahaye » n’est pas accessible (403 Forbidden), je suppose qu’il faut être inscrit ou avoir un compte spécifique pour y accéder ?
Merci d’avance !
Ah mince oui peut-être est-ce du fait de mon abonnement à Pour la science !
Je l’achète tous les mois en kiosque (meilleur magasine de vulgarisation scientifique français – tiré de l’anglais – pour moi), peut-être devrais-je enfin m’y abonner 🙂
Le lien refonctionne (soirée du 31 août 2021). C’était donc un problème sur le serveur, pas une question d’abonnement.
Le lien du texte de Delahaye semble cassé.
Bonjour David,
La notion de nombre « définissable » me fait surtout penser au concept (plus général ?) de nombre calculable. Les autres sont des nombres plus ou moins aléatoires. On peut relier ça à la complexité de Kolmogorov : pour un nombre donné (disons son écriture en base décimale), je peux définir une suite de suites de chiffres (par exemple pour e : 2 ; 2,7 ; 2,71 ; etc) et je regarde la complexité de Kolmogorov de chacune de ces suites, normalisée par le nombre de termes. Si je tends vers 0, j’ai un nombre calculable ; si je tends vers 1 j’ai un nombre (pleinement) aléatoire. Presque tous les nombres sont (pleinement) aléatoires.
J’espérais en lisant le titre de votre vidéo que vous discutiez des différentes bases possibles, exotiques (base 2i de Knuth) ou élégantes. Notamment ma préférée, la base ternaire équilibrée qui : minimise les retenues des tables d’addition (2/9) et de multiplication (0) ; réduit l’arrondi au plus proche à une simple troncature ; permet de très facilement écrire l’opposé d’un nombre à partir de l’écriture de ce dernier, sans pour autant ajouter (ou retirer) un signe moins comme on le fait habituellement ; permet ainsi de véritablement additionner un nombre négatif (en utilisant l’algorithme de l’addition), et non de soustraire l’opposé de ce nombre comme on apprend à l’école (même si le résultat final est bien sûr le même).
Mea culpa, la notion de nombre « définissable » est plus générale que celle de nombre calculable, puisque les nombres de Chaitin sont définissables mais incalculables.
J’ignore s’il existe une formalisation de cette notion de « définissable ». Peut-être quelque chose dans ce goût-là : « Pour une proposition logique donnée, si l’on peut démontrer qu’il existe un unique nombre tel que la proposition, évaluée en ce nombre, est vraie, alors ce nombre est défini » ?
Pardon, plusieurs erreurs dans mon commentaire précédent, dans toute la partie complexité. Ce sont de vieux souvenirs, mes pensées ne sont plus aussi claires. Déjà « normalisée par le nombre de chiffres » (plutôt que « termes »). Ensuite le ratio n’admet pas forcément de limite, il peut très bien osciller. Par exemple, je peux choisir les m prochains chiffres en lançant un dé pour augmenter la complexité (par chiffre) ; ou au contraire ne mettre que des 0 pour la diminuer. Enfin je n’ai pas défini les unités, mais si on reste sur l’idée de base décimale il vaut mieux mesurer la complexité de Kolmogorov en hartleys (voir en.wikipedia), et il me semble alors que notre ratio n’excédera pas 1, au moins asymptotiquement.
Bonjour,
Suite à la visualisation de votre dernière vidéo dans laquelle vous mentionnez une vidéo sur l’infini (que j’ai déjà regardée il y a plusieurs années), je me suis demandé si vous aviez déjà fait une vidéo sur le concept de dimension.
En effet, je pense, que comme l’infini, le concept de dimension est très utilisé en math et en physique mais rarement bien compris.
Seriez-vous intéressé pour faire une vidéo ?
PS : Si vous manquez de temps, je pourrais vous aider car j’enseigne la didactique des mathématiques et j’aborde le concept de dimension dans mes cours.
Loïc
Merci pour la video! Je me suis toujours demandee comment la possibilite d’avoir plus d’une ecriture des nombres reels se combine avec l’argument de la diagonalisation de Cantor: que l’ecriture ne soit pas listee ne veut plus directement dire que le nombre obtenu n’est pas dans la liste, il pourrait y etre avec une autre ecriture. Je ne vois jamais cette partie prise en compte alors je profite de l’occasion pour soulever ce point. qu’en penses-tu?
Bonjour Sophie,
Comme l’a dit David dans sa vidéo, en base 10 seuls les nombres décimaux possèdent deux écritures (l’une dite propre, comme 1 ; l’autre dite impropre, telle 0,9999…). Un nombre non-décimal, comme e, et même rationnel, comme par exemple 1/3, n’aura qu’une unique écriture (en base 10 toujours).
Pour ne pas avoir de problème dans la démonstration de Cantor, il suffit donc de construire un nombre non-décimal : puisque son écriture est unique, si elle n’apparaît pas dans la liste telle quelle, c’est qu’elle est absente ! Pour cela on peut, pour faire au plus simple (à défaut du plus général) construire un nombre n’ayant aucun 0 ni 9 dans ses décimales. Pour rappel, à chaque étape on doit choisir une décimale différente de la n-ième du n-ième nombre. Cela laisse 9 choix possibles a priori. En s’abstenant de choisir le 0 ou le 9, on dispose donc toujours d’au moins 7 choix, ce qui est amplement suffisant 😉
J’espère que cela vous éclaire 🙂
Bonjour,
Je n’avais jamais cherché la traduction de « nombre univers », mais j’ai fini par en trouver une : « disjunctive number ».
Voir par exemple :
https://oeis.org/wiki/Disjunctive_numbers
https://www.cs.auckland.ac.nz/research/groups/CDMTCS/researchreports/063cris.pdf
Bonjour David
Bravo : toujours des vidéos pédagogiques et stupéfiantes
Je ne suis pas convaincus sur la démonstration 1= 0,99999… je ne pense pas que l’on puisse utiliser simplement les propriétés de l’addition (associativité, commutativité) avec l’infini. On « démontrerai » aussi 1+2+3+4+5+…=-1/12
Il y a danger à approcher l’infini, il y en a qui ont essayé (Cantor, Gödel, …), ils sont morts dans la folie ! D’autres pas (Hilbert ) donc restons optimistes et patients sur l’approche de l’infini , l’éternité c’est long surtout vers la fin (Woody Allen)
Je me suis laissé convaincre par le 0.999999… = 1 par la question comment écrire le résultat de 0.99999… + x = 1 soit x = 1 — 0.99999999… soit 0.00000…
Merci David en tout cas ! ça fait un moment que je te suis sur YouTube et toutes tes vidéos sont superbes.
Bonjour,
Tu as raison de te méfier des opérations sur l’infini. En maths il faut être prudent avec ce genre d’opération. Cependant ici cela marche. Une démo qui pourrait te convaincre:
Pose la somme des 9*10^(-n), avec n allant de 1 à l’infini. Cette somme converge donc elle est bien définie, et elle converge vers 1. Hors si on voulait l’écrire de manière décimale, et bien on écrirait 0.999… …
Pour la somme des 1/n dont tu parles, c’est plus subtil car cette somme diverge. Cependant, on peut faire un lien avec la fonction zêta de Riemann qui vaut la somme des 1/n^x, avec n allant de 1 à l’infini. Cette somme n’est définie que pour x>1, cependant elle peut être prolongée par continuité en 1, et sa valeur en 1 vaut alors -1/12. Hors son expression pour x=1 s’écrirait comme la somme des 1/n… Donc on peut dire que la somme des 1/n diverge, mais que s’il fallait lui donner une valeur finie, alors la valeur -1/12 serait la plus logique.
Pardon je me suis emmêlé les pinceaux. C’est la somme des n (et non pas 1/n) pour n allant de 1 à l’infini. Qui correspond donc à la fonction zêta prolongée en -1 (et non 1. La fonction zêta n’est pas prolongeable en 1 !).
Bonjour David
0.999999999999 = 1 pourquoi pas… !
Mais d’un point de vue logique, il manque une petite partie pour que 0.999999999999 face 1
et même si l’algèbre démontre que 0.9999999999999 = 1, 1 est une valeur entière et 0.9999999999 correspond
à 1 moins quelque chose … ce n’est pas 1, c’est trop bizarre… L’équation algébrique n’est pas suffisante pour que j’arrive
à l’admettre.
Bonjour,
Pour reprendre ta manière de dire : « 0.999… correspond à 1 moins quelque chose »… mais ce « quelque chose » est infiniment petit ! Autrement dit, quelque soit le nombre, aussi petit que tu veux, que tu puisses considérer, il sera toujours plus grand que l’écart entre 0.999… et 1. C’est donc bien que ces deux nombres sont égaux ! (C’est une explication imagée mais elle n’est pas si loin d’une vraie explication mathématique avec passage à la limite)
SI 2 nombres réels sont différents alors on peut intercaler un (au moins) 3 ème nombre entre les 2. Or ce n’est pas possible entre 0.9999… et 1. Donc ces 2 nombres sont égaux.
Merci pour la vidéo
Autre argument que je trouve assez convainquant pour 0,99999 = 1
Si ces réels sont distincts, ils ont une moyenne, qui est ???
Bonjour,
Juste un point qui me tracasse sur le calcul de la fraction continue d’un irrationnel comme pi: quel nombre minimum de decimales faut il prendre a chaque « etage » de calcul? Y a t il une regle a respecter?
Avez vous des infos ou une referznce a ce sujet?
Merci d’avance ( par ailleurs video tres claire, je vais voir celle sur Godel)