Les fêtes arrivent et il vous manque des idées de cadeaux ?
Vous avez un parent ou un(e) ami(e) un peu scientifique ?
Alors offrez donc un Gömböc ! Un cadeau cher, totalement inutile mais geek en diable !
Une affaire d’équilibre
L’histoire du Gömböc est celle de ces sujets de recherche qui naissent autour d’une machine à café, ou dans les couloirs des conférences scientifiques. En l’occurrence, à l’origine de celle-ci, il y a le célèbre mathématicien russe Vladimir Arnold, un des plus grands mathématiciens de ces dernières décennies (un jour il faudra que je vous parle de ma rencontre avec Arnold !).
En 1995, à l’occasion d’une conférence à Hambourg, Vladimir Arnold s’était demandé s’il était possible de construire un solide tridimensionnel qui soit à la fois homogène, convexe et mono-monostatique … euh … mais ça veut dire quoi tout ce charabia ???
Bon, commençons par « mono-monostatique« . Quand on pose un solide sur une table (pensez par exemple à un oeuf, une pyramide ou un stylo) il ne reste pas forcément dans la position où on l’a mis. Il va changer d’orientation sous l’influence de la gravité, et atteindre une position d’équilibre stable. La plupart des solides possèdent plusieurs positions d’équilibre stable : attrapez les objets qui sont autour de vous, et essayez donc de les poser sur le sol dans différentes positions stables, vous devriez y arriver. Ils possèdent en général également des positions d’équilibre instable : une pyramide posée sur sa pointe est en équilibre instable.
Un solide mono-monostatique, c’est un solide qui possède exactement un seul point d’équilibre stable, et un seul point d’équilibre instable.
Existe-t-il un solide homogène convexe et mono-monostatique ?
La principale particularité d’un objet mono-monostatique, c’est de toujours aller vers sa seule position d’équilibre (stable), quelle que soit la manière dont on le pose sur une table. Il existe un exemple bien connu de ce genre d’objets : le culbuto (quand j’étais môme on avait les « bidibules »).
Le culbuto possède une seule position d’équilibre stable, et une position instable (si vous le posez sur la tête). Il est donc bien mono-monostatique.
Oui mais avec le culbuto, il y a un truc : il est lesté à la base, donc sa densité n’est pas homogène. Çà c’est un truc pour physicien ou ingénieur, mais ça n’est pas très satisfaisant pour un mathématicien.
On va donc compliquer la question et se demander s’il existe un solide mono-monostatique qui soit homogène. Avec juste ces deux conditions, c’est encore assez simple. Il suffit par exemple de partir d’une sphère et d’en évider la partie supérieure, comme sur le schéma ci-dessus. En fait en faisant ça on reproduit la situation du culbuto en lestant la sphère d’un côté (ou plutôt en la délestant de l’autre !).
Donc pour que le problème soit vraiment fun mathématiquement, on va ajouter une dernière règle du jeu : le solide doit être convexe. Pour faire très simple, un solide est convexe s’il ne possède pas de région creuses ou en creux. (Pour être plus précis : un solide est convexe si tout segment reliant deux points du solide est entièrement contenu dans le solide; ça n’est clairement pas le cas pour la sphère évidée.)
Nous voici donc arrivés à la formulation de la question posée par Vladimir Arnold en 1995 : existe-t-il un solide homogène convexe et mono-monostatique ?
Le Gömböc
En 2006, après des années de recherche sur le sujet, deux mathématiciens hongrois ont pu répondre par l’affirmative à la question ! Et pour ce faire, ils ont explicitement construit une forme qui fonctionne, et l’on appelée Gömböc ! (Prononcez « Geumbeuts »)
Il s’agit d’un solide ressemblant vaguement à une sphère déformée, et qui ne possède effectivement qu’un point d’équilibre stable et un point d’équilibre instable.
Il revient donc toujours sur sa position quand on le pose sur une surface plane, comme on le voit sur cette vidéo.
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=pkvuUdKlybQ]
Et voilà, c’est tout ! Ça ne sert à rien, mais c’est beau !
Les inventeurs (découvreurs?) de ce solide ont d’ailleurs bien compris ça, et ils commercialisent diverses version de l’objet sur leur boutique, pour un prix somme toute assez conséquent. Mais il faut savoir que les tolérances géométriques à respecter sont très strictes : la précision doit être de 100 microns pour un objet de 10 cm. Les courageux peuvent toujours essayer l’impression 3D !
Je n’ai aucun lien évidemment avec cette activité commerciale, mais si l’un de mes lecteurs veut m’en offrir un, j’accepte volontiers !
Si j’en crois wikipédia, le terme Gömböc est un diminutif pour sphère (une sorte de quasi-sphère, donc), et également le nom d’un plat hongrois vaguement similaire au haggis écossais. En attendant, il semble que la Tortue étoilée d’Inde n’ait pas attendu la découverte du Gömböc pour imiter sa forme avec sa carapace : bien pratique pour toujours revenir sur ses pattes ! (même si je doute que la tortue soit convexe et homogène !).
Billets reliés sur le C@fé :
Quel est le lien entre une tortue, un culbuto et un gömböc ? par Sirtin
Quand les tortues font des maths ? par ElJJ
23 Comments
« Un solide mono-monostatique, c’est un solide qui possède exactement un seul point d’équilibre stable, et un seul point d’équilibre instable. »
Je ne comprends pas ! Pour moi, si un solide possède un seul point d’équilibre stable, alors tous les autres points à sa surface sont d’équilibre instable. Une sphère, par exemple, en n’ayant aucun point d’équilibre instable fait qu’elle possède que des points d’équilibre stable.
« si un solide possède un seul point d’équilibre stable, alors tous les autres points à sa surface sont d’équilibre instable »
Non, non. Un point d’équilibre instable, c’est un point d’équilibre. C’est-à-dire que si on le pose sur ce point, le solide va rester dans cette position. La question de la stabilité vient de ce qu’il se passe quand il y a une perturbation.
Le cas de la sphère est un peu particulier, mais on peut penser à un ellipsoïde par exemple.
Si vous regardez la vidéo, cela apparaît clairement : il y a des points de quasi équilibre (l’objet « va » vers ce point depuis un point de déséquilibre) mais une fois qu’il y « est », ce point n’étant pas lui même d’équilibre, il le quitte pour un autre, qui est cette fois le point d’équilibre stable.
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Merci pour ce billet !
Quelques infos sur la méthode de recherche de cette solution ?
Cette solution est-elle unique ? Et si oui, comment cela à été prouvé ?
Cordialement
Apparemment la solution n’est pas unique, mais toutes les solutions sont plus ou moins proches de la sphère, et elles sont toutes aussi peu « robustes » en ce sens que les tolérances géométriques sont très faibles. Sur le mode de recherche, ils détaillent un peu la manière de poser le problème dans l’article que je cite.
POuah, 149€ pour l’objet de 7cm + la boîte à 20€ pour le protéger. Et en plus il faut faire attention de ne pas lui infliger la moindre petite rayure, sinon il ne « fonctionnera » plus. Sachant qu’il ne fonctionne que sur des surfaces parfaitement planes, lisses et propres (« Even dust on the surface can impact the characteristics of a Gömböc. » http://www.gomboc-shop.com/app/urwfilter/usage/do/index.html). Je vais chercher un autre cadeau de Noël en fait ! 😀
Merci pour l’article en tout cas, intéressant comme d’habitude. 🙂
Oui je n’ai pas l’intention non plus de l’utiliser comme cadeau de Noël, c’est un peu cher ! A moins que je le fasse moi-même en pâte à sel !
des solides de largeur constantes… pazs mal aussi et beucoup moins cher
http://mathsgear.co.uk/products/solids-of-constant-width
Génial !!
Juste avant de cliquer sur le lien, je me suis dit (comme tout le monde j’imagine) « oui, ben des sphères, quoi ? »…
Très très fort !
Cedric Villani, dans son livre « Théorème vivant » explique comment a été conçu le Gömböc. Si c’est bien une idée de Vladimir Arnold c’est bien Gabor Domokos qui a fini par le créer après 12 ans de recherche.
Ta sphère que tu évides à moitié, c’est en fait une boule (qui devient à moitié une sphère quand tu l’évides) 🙂
J’avoue, j’avoue…
L’auteur a quand même pris la peine de vérifier de source sûre la prononciation hongroise. 🙂 Professionnalisme !
Pour le prototype, on pourrait tester les spécifications de l’imprimante 3D ?
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Cet objet m’inspire une question : comment peut-on démontrer d’un point de vue mathématique, qu’un objet dans l’espace a toujours au moins un point d’équilibre stable …
Si ce n’était pas le cas, il serait en perpétuel mouvement, donc fi des frottements, etc …
Bonne question ! Je pense qu’à toute orientation de l’objet on peut associer une énergie potentielle de pesanteur (l’intégrale de sa hauteur multiplié par sa masse volumique en gros), et dire qu’elle admet un minimum dans l’espace des orientations (qui est un espace borné)
http://www.regardecettevideo.fr/video/1146/l-extraordinaire-force-de-la-concentration?fb_action_ids=10202368468746130&fb_action_types=og.likes&fb_source=aggregation&fb_aggregation_id=288381481237582
Un merveilleux numéro qui démontre qu’équilibre et gravité sont étroitement liés.
Bien à vous…
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le jour où l’homme va se réveiller il comprendra que toute son inspiration lui vient de la nature
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Je suis admiratif de cet objet scientifique fascinant ! j’ai bien aimé le slogan « l’objet le plus stable du monde ». pour ceux qui le trouvent cher, sachez qu’il y a eu des années de recherches derrière et ça n’a pas de prix