On s’imagine souvent que lorsque l’on décide quelque chose, on le fait en connaissance de cause et de manière rationnelle. En réalité les chercheurs en psychologie expérimentale ont montré de nombreuses fois que nos décisions sont souvent très influencées par des éléments que l’on ne soupçonne pas.
Par exemple une expérience de Gary Wells et Richard Petty publiée en 1980 dans la revue Basic and Applied Social Psychology a montré comment nos mouvements de tête peuvent influencer notre jugement. Dans cette expérience, 72 étudiants sont convoqués soi-disant pour tester la qualité d’écoute d’un casque audio, notamment en situation de mouvement.
Un tiers des participants reçoit comme consigne de hocher la tête (comme pour faire « oui »), un autre tiers de secouer la tête (comme pour faire « non »), et le dernier tiers ne reçoit pas de consigne (c’est le groupe de contrôle). Dans le casque est diffusé un extrait d’émission de radio comprenant des chansons, mais aussi l’éditorial d’un journaliste prenant position pour l’augmentation des frais d’inscription à l’université, de 587$ à 750$.
A l’issue de la séance, les étudiants (qui pensent toujours être là pour tester un casque) reçoivent un questionnaire leur posant des questions sur la qualité de l’écoute. A la fin du questionnaire, on leur demande également leur avis sur ce que devraient être le montant des frais d’inscription à l’université.
Les résultats sont assez sidérants :
- Le groupe de contrôle a répondu en moyenne 582$, très proche de la valeur initiale;
- Ceux qui ont fait « oui » de la tête en écoutant l’éditorial ont répondu en moyenne 646$;
- Ceux qui ont fait « non » ont répondu en moyenne 467$.
On voit donc que que l’impact du message diffusé dans l’éditorial radio – augmenter les frais d’inscription à l’université – a été renforcé chez ceux qui hochaient la tête et inversé chez ceux qui la secouaient.
Cette étude (et celles faites par la suite sur le même thème) montrent que nos attitudes corporelles peuvent modifier fortement la manière dont on reçoit des messages qui tentent de nous persuader. Alors, vous pensez toujours que vous décidez rationnellement ? (Et maintenant relisez cet article en faisant « oui » de la tête…)
Référence : Gary L. Wells and Richard E. Petty (Univ.Missouri), The Effects of Over Head Movements on Persuasion, Basic and Applied Social Psychology, Vol 1 Iss 3 (1980)
Cet article est une rediffusion d’un de mes premiers billets, publié il y a 2 ans sur ce blog. Intitulé à l’époque « C’est vraiment moi qui décide ?« , j’avais sans m’en rendre compte repris le titre français de l’excellent livre de Dan Ariely « Predictably Irrational » (que j’avais lu en VO mais dont j’avais certainement eu connaissance du titre en VF). Pour le reste du mois d’août, je vous proposerai d’autres rediffusions de vieux billets !
9 Comments
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Oui c’est vrai que c’est très évocateur. D’ailleurs quand on doit prendre la parole en public, le mieux c’est de regarder quelqu’un en qui on a confiance qui valide par des signes de tête ce qu’on dit.
Je n’avais jamais lu d’analyse sur le sujet, mais je ne suis pas surprise du résultat.
Marie
C’est très interessant… de la PNL auto-infligée en quelque sorte…
si l’on écoute un argumentaire d’une personne qui hoche de la tête, est ce que nos neurones miroirs (impliqués dans le mimétisme si je me souviens bien) jouent un rôle dans l’acceptation ou non de cet argumentaire ?
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