L’an dernier à la même époque, je vous avait présenté un billet tout estival, consacré au trouble du pastis et à la physico-chimie qui se cache derrière. Comme ce billet reste à ce jour l’un des plus lus de ce blog, j’ai décidé d’exploiter le filon de l’apéro et de vous parler des glaçons.
La question du jour : pourquoi est-ce que les glaçons refroidissent votre boisson ? La réponse paraît simple, c’est parce qu’ils sont froids ! … Eh bien non, pas vraiment ! Alors voyons en détail ce qu’il se passe dans votre verre quand vous y glissez des cubes de glace.
On attribue généralement au philosophe grec Démocrite l’idée que la matière soit composée d’éléments plus ou moins indivisibles : les atomes. Si l’idée était juste, Démocrite n’avait pas réalisé à l’époque à quel point les atomes qui nous entourent sont petits : moins d’un nanomètre, soit un milliardième de mètre !
Il a fallu ensuite attendre la fin du XIXème siècle pour que les physiciens apportent une preuve définitive de l’existence des atomes, et arrivent à estimer leur taille de manière suffisamment précise.
Et pourtant en 1762, Benjamin Franklin fit une observation étonnante qui aurait pu lui permettre un siècle avant tout le monde de réaliser à quel point les atomes et les molécules qui nous entourent sont petits. Mais bizarrement, il n’a pas poussé son raisonnement assez loin.
Savon, liquide vaisselle ou lessive : il semble que tout ce qui lave a aussi la propriété de faire de la mousse. Et pourtant, ça n’est pas la mousse elle-même qui nous lave ! Son apparition n’est qu’un phénomène collatéral, lié à la nature physico-chimique des molécules qui sont le principe actif des produits nettoyants.
Voyons pourquoi il est quasi-inéluctable que ce qui lave, mousse.
Il y a quelques jours, Daniel Nocera et son équipe du MIT ont annoncé avoir mis au point la première « feuille artificielle » [1]. Il s’agirait d’un dispositif qui, une fois plongé dans l’eau, permet de produire de l’hydrogène à partir de la lumière du soleil. L’hydrogène ainsi fabriqué serait alors facile à stocker ou à transporter.
Cette annonce ayant fait un peu de bruit dans la blogosphère (là et là, par exemple), essayons de faire le point sur les principes physiques sur lesquels se base cette technologie.
Stocker l’énergie du soleil
Le soleil est aujourd’hui la source d’énergie renouvelable la plus abondante. Mais contrairement aux centrales classiques, l’énergie n’est pas disponible en continu au cours de la journée : il faut trouver un moyen efficace et peu cher de stocker cette énergie. Beaucoup de travaux sont donc menés pour imaginer des batteries plus performantes, moins chères et plus durables.
Pour mesurer la capacité d’un système de stockage d’énergie, on regarde ce qu’on appelle l’énergie spécifique : la quantité d’énergie (en Joules) que l’on peut stocker par kilogramme. Pour une batterie Li-ion, on est par exemple autour de 0.5 MJ/kg. La meilleure batterie du monde avoisinerait les 2.5 MJ/kg.
Mais ces performances de stockage des batteries sont à comparer à celles des combustibles : 50 MJ/kg pour du gaz naturel et près de 150 MJ/kg pour de l’hydrogène ! On voit que les combustibles sont une bien meilleure forme de stockage de l’énergie que les batteries ! (source)
C’est bien connu, l’eau gèle à 0°C. Ce sont les lois de la thermodynamique qui nous le disent. Et la thermodynamique, c’est une science sérieuse !
Et pourtant dans certains cas, la nature a des réticences à suivre les lois de la thermodynamique : avec quelques précautions, il est ainsi possible de refroidir de l’eau à des températures inférieures à 0°C, sans qu’elle gèle !
Surfusion et solidification
Pour réaliser cet exploit, il faut refroidir l’eau très précautionneusement, par exemple dans un extérieur calme ou un congélateur bien isolé des vibrations. Si vous avez de la chance et du doigté, vous pourrez obtenir de l’eau liquide à -15°C ! C’est ce qu’on appelle l’état de surfusion.
L’explication réside dans le fait que même en dessous de 0°C, la réaction de congélation de l’eau ne se déclenche pas spontanément : elle a besoin d’une perturbation pour démarrer. Cette perturbation peut être une vibration, une impureté, un choc, etc.
En revanche, comme nous allons le voir, dès que la solidification a pu démarrer quelque part dans le liquide, elle se comporte comme une réaction en chaîne et se propage rapidement dans tout le volume d’eau disponible.
Rien ne vaut une belle vidéo pour illustrer ça. Youtube en regorge alors ne nous privons pas. Sur celle-ci l’expérimentateur (qui a oublié sa blouse blanche) possède une bouteille d’eau liquide qui a été refroidie en dessous de 0°C.
L’eau est une substance merveilleuse qui possède de nombreuses propriétés physico-chimiques qui la distinguent de la plupart des autres molécules. Il se trouve que c’est grâce à l’une de ces propriétés que l’existence du ski est possible.
Parmi les propriétés exotiques de l’eau, une des plus connues est sans doute le fait que l’eau augmente de volume quand elle se solidifie, ou une autre manière de le dire : la densité de la glace est inférieure à celle de l’eau liquide.
En effet un solide cristallin possède une structure ordonnée et périodique alors qu’un liquide possède une structure désordonnée. Et en général une structure ordonnée est plus dense qu’une structure désordonnée, car elle permet de faire tenir plus d’atomes dans un volume donné.
Si vous n’êtes pas convaincus, videz une boite de sucre sur la table et essayez de les ranger de manière désordonnée !
Mais pour l’eau, c’est différent ! Bizarrement la structure ordonnée occupe plus de place que la structure désordonnée, et donc la glace est moins dense que l’eau liquide.
Mais saviez-vous que c’est pour une raison étroitement reliée à ce phénomène que l’existence du ski est possible ?
Comme on l’apprend en chimie, le nombre d’Avogadro vaut environ 6.10^23. Pour ceux qui l’auraient oublié, il quantifie par exemple le nombre de molécules d’eau contenues dans 18 g d’eau. Maintenant allez vous remplir un verre d’eau d’environ 30cl. Si ! Si ! Allez-y ! J’insiste ! Bien, maintenant regardez attentivement votre verre. Dedans se trouvent environ 10 millions de milliards de milliards de molécules d’eau (10^25). Il est un peu difficile de se rendre compte de ce…