La vidéo du jour est en quelque sorte la suite de la précédente, puisqu’on y a parler des « tensions » qui entourent les déterminations les plus récentes de la constante de Hubble.
Edit : dans les commentaires de la vidéo, beaucoup évoquent une « non-constance » possible de la constante de Hubble. Je me rends compte que j’aurai du être plus précis, mea culpa !
En fait la constante de Hubble est constante dans le temps par définition. Ce qu’on appelle « constante de Hubble », notée H0, c’est en réalité « La valeur à l’instant présent du paramètre de Hubble H(t) ». Quand les méthodes Early fournissent un moyen d’estimer H0, ce qu’elles estiment c’est vraiment « la valeur actuelle de H(t) », ça n’est pas « la valeur de H(t) au moment de l’émission du rayonnement fossile ». J’aurai vraiment du mieux expliciter ce point, je m’en excuse !
Pour ceux qui veulent aller plus loin, quelques références.
Sur la dernière détermination par la collaboration SH0ES
Riess, Adam G., et al. « A Comprehensive Measurement of the Local Value of the Hubble Constant with 1 km/s/Mpc Uncertainty from the Hubble Space Telescope and the SH0ES Team. » arXiv preprint arXiv:2112.04510 (2021).
On y voit notamment les derniers progrès réalisés, et comment ceux-ci se combinent avec d’autres types de mesures (notamment celles qui s’efforcent de se passer des Céphéides). Voir aussi le site des travaux de Louise Breuval, qui est une des co-autrice de la publication.
Parmi les méthodes utilisées pour essayer de contourner de possibles biais, il y a la détermination des distances sans parallaxe, à partir des « eclipsing binaries » dans les nuages de Magella.
Les résultats de Planck 2018
Aghanim, Nabila, et al. « Planck 2018 results-VI. Cosmological parameters. » Astronomy & Astrophysics 641 (2020): A6.
Un point intéressant dans l’approche consiste à notamment aller voir exactement de quelle manière est paramétrée le modèle Lambda-CDM. Je vous copie/colle le tableau issu de Wikipédia qui montre bien dans les paramètres du modèle quels sont ceux qui sont fixés, ceux qui sont « ajustés » par Planck, et ceux qui en découlent (comme H0)
Sinon pour tout comprendre à la physique du CMB, la page de Wayne Hu est une référence fantastique, notamment les « tutoriels ». J’ai l’impression que ça fait 15 ans que j’y reviens périodiquement dès que j’oublie ou je ne comprends pas un truc sur le sujet.
Sur la partie « Théorie », voici l’article de revue d’où j’ai tiré ma très longue liste de modèles alternatifs à Lambda-CDM (spoiler : je ne comprends pas le quart de la moitié des solutions proposées !)
Di Valentino, E., Mena, O., Pan, S., Visinelli, L., Yang, W., Melchiorri, A., … & Silk, J. (2021). In the Realm of the Hubble tension $-$ a Review of Solutions. arXiv preprint arXiv:2103.01183.
Sur les BAO en général
Bassett, Bruce, and Renée Hlozek. « Baryon acoustic oscillations. » Dark energy: observational and theoretical approaches (2010): 246.
Voir aussi ce très bon GIF issu de cette très bonne page qui montre bien comment la surdensité initiale conduit au pic de corrélation à 150 Mpc, du fait que la matière ordinaire est bien poussée par l’onde de pression dans le fluide, mais pas la matière noire qui n’interagit pas avec les photons.
(Et d’ailleurs oui le pic observé est bien à 150 Mpc, même si plusieurs figures que j’ai montré mesurent les distances en les normalisant par la constante de Hubble réduite, fixée conventionnelllement à 100 km/s/Mpc. On voit alors une unité « h^{-1} Mpc ». Mais la distance « physique » est bien 150 Mpc avec l’ordre de grandeur connu de la constante de Hubble.)
Sur l’estimation de H0 par les BAO
Alam, Shadab, et al. « Completed SDSS-IV extended Baryon Oscillation Spectroscopic Survey: Cosmological implications from two decades of spectroscopic surveys at the Apache Point Observatory. » Physical Review D 103.8 (2021): 083533.
Notons (si j’ai bien suivi) que cette méthode a quand même besoin d’infos en provenance du CMB pour déterminer la constante de Hubble. Donc on ne peut pas la considérer comme une mesure totalement indépendante du CMB. Mais comme le CMB, elle utilise le modèle Lambda-CDM.
Sur la contraintes des BAO sur la résolution de la tension de Hubble
Jedamzik, Karsten, Levon Pogosian, and Gong-Bo Zhao. « Why reducing the cosmic sound horizon alone can not fully resolve the Hubble tension. » Communications Physics 4.1 (2021): 1-6.
Sur la mesure par les effets de lentilles sur les quasars (H0LiCOW)
Wong, Kenneth C., et al. « H0LiCOW–XIII. A 2.4 per cent measurement of H 0 from lensed quasars: 5.3 σ tension between early-and late-Universe probes. » Monthly Notices of the Royal Astronomical Society 498.1 (2020): 1420-1439.
Sur « la » sirène standard
Abbott, Benjamin P., et al. « Multi-messenger observations of a binary neutron star merger. » (2017).
Je vous remets la figure issue du papier. Je trouve ça très impressionnant qu’on arrive ainsi à « voir » l’événement dans toutes les longueurs d’ondes du spectre EM : gamma, X, UV, visible, IR et ondes radios !
Sous-densité ?
Apparemment une solution qui aurait pu expliquer la tension, c’est une sous-densité locale de l’Univers. Nos mesures de Hubble reste (en un sens) locales, et on aurait pu imaginer qu’une grosse sous-densité puisse expliquer la valeur différente de la constante de Hubble. Mais si j’ai bien suivi, cette hypothèse de sous-densité a été écartée par d’autres mesures.
Une possible résolution qui pointe vers « le milieu »
Freedman, Wendy L. « Measurements of the Hubble constant: tensions in perspective. » The Astrophysical Journal 919.1 (2021): 16.
On peut notamment voir ce graphique. Notez la courbe « TRGB », qui utilise d’autres chandelles standard que les Céphéides (Tip of the Red Giant Branch), et fournit une mesure directe qui semble plus faible.
27 Comments
Question bête :
Comment est-on sure que la constante de Hubble est bien une constante et qu’elle n’a pas varié dans le temps ?
Si les 2 différents résultats sont calculées à partir des données du passé et d’autre du présent, peut-être que ce n’est pas une constante.
Et si on à la preuve que c’en est une, quelle est cette preuve ?
Merci pour ton travail, tes vidéos géniales !
J’aurai du être plus précis dans mes explications, je viens de rajouter un edit pour expliquer.
Bonjour,
J’ai beaucoup aimé votre précédente vidéo également sur les mesures de distance. Merci !
Plus haut, vous dites dans votre Edit que les mesures Early fournissent un modèle d’évolution de H(t) (l’évolution de H est donc prise en compte)
En ce qui concerne les méthodes « Late », faut-il également prendre en compte le fait que H évolue, notamment par exemple pour une explosion de supernova, si la lumière met 13 milliards d’années pour nous parvenir ? Le trajet de la lumière et donc la distance estimée pourrait-elle être affectée par l’évolution de H (sur qq milliards d’années) que l’on ne connaît a priori pas si l’on se base sur une méthode Late ? (Idem pour les quasars lointains)
Hello,
Il semblerait qu’il y a du nouveau concernant la tension de Hubble, les étoiles variables n’ont pas toujours une pusation identique.
https://arxiv.org/abs/2309.03257
Et pour les non-scientifiques mais anglophones, une vidéo d’Anton Petrov sur ce sujet pour expliquer la papier de recherche.
https://www.youtube.com/watch?v=l0IMfhArPeI
C’est tout vu, c’est de la nouvelle physique : la constante n’est pas constante. Elle valait 0 au moment du Big Bang, puis 67 après 380 000 ans, et elle vaut 72 maintenant. On peut constater que la courbe s’aplatit comme un logarithme, ce qui permet de dater le Big Bang à l’an 1 comme le font les historiens, et non l’an 0 comme le croient les physiciens. Raffiniert ist der Herr Gott.
Pour beaucoup de personnes il y a une confusion entre constante de Hubble et paramètre de Hubble.
La constante de Hubble notée H0 est la valeur actuelle (donc constante) du paramètre de Hubble noté H(t) qui lui varie dans le temps. Je reconnais toutefois que David n’a pas suffisamment insisté sur ce point.
Si je me souviens bien du papier de la DES Y1 +BAO +BBN , ils utilisent le weak lensing pour levée la dégénérescence entre Ωm et H0 et sont donc complètement indépendants du CMB contrairement à dautre méthode contraignant H0 avec l’échelle BAO.
Le seul soucis en effet reste qu’ils sont tjs « model-dependent »
À l’IRAP à Toulouse, le Professeur B. Lamine travaille actuellement sur nouveau modèle faisant varier la constante G de Newton dans le temps permettant la suppression du besoin d’énergie noire et pourrait permettre aussi la conciliation des deux mesures.
Très intéressant merci ! Je pensais que le CMB intervenait systématiquement.
Je connais Brahim Lamine, on était en DEA ensemble 🙂 Il faut que je regarde ses travaux !
Autre question bête : comment sait-on qu’à un instant donné le paramètre de Hubble est constant spatialement ?
Par analogie, la « constante » de pesanteur g n’est pas la même au sol ou en altitude, à l’équateur ou aux pôles… c’est en fait un « champ » de pesanteur qu’on peut localement approximer comme constant.
Comment sait-on qu’il ne s’agit pas d’un champ de Hubble ? (Ou alors c’est justement ce que voulait évaluer l’hypothèse de sous-densité ? J’admets ne pas avoir compris ce passage)
Si la constante de Hubble dépend du point de l’espace, cela revient à remettre en question l’hypothèse d’homogénéité dans le modèle Lambda-CDM. Mais il me semble que jusqu’à présent, tous les indices observationnels tendent vers la confirmation de cette homogénéité.
D’accord, merci beaucoup !
J’ai pu faire mon stage de master 1 avec Thomas Buchert au CRAL à Lyon l’été dernier, qui travail justement sur des modèles de cosmologie inhomogène avec son équipe, et qui selon lui pourraient permettre de se passer de l’énergie noire. Même si pour l’instant il n’y a pas d’évidence expérimentale dans les données observationelles de cette inhomogènéhité, ils attendent la sortie d’une future base de données de supernovae type Ia du téléscope LSST pour pouvoir mener des analyses numériques d’anisotropie et pouvoir conclure (les données de supernovae actuelles n’étant pas assez nombreuses).
On verra ce que cela donne !
Bonsoir,
Merci pour ces formidables explications, même si le mal de tête n’est pas loin..
Si les travaux de Hubble et Lemaitre (un voisin) sont remis en cause, l’age de l’univers aussi ?
Les 13,8 milliards d’années sont une intrapolation de l’expansion de l’univers !
Merci
Dans le billet de blog, tu ne définis pas CMB. C’est bien le fond du rayonnement cosmologique ?
Merci !
Qu’est-ce qui permet de dire que le décalage vers le rouge du spectre électromagnétique est lié à la vitesse d’éloignement ? Une autre hypothèse est de dire que c’est l’écoulement du temps entre l’émetteur du rayonnement et le récepteur qui varie.
Prenons une galaxie ayant une force de gravité négligeable comme la voie lactée qui émet une lumière et un récepteur sur un corps éloigné où la gravitation est extrêmement forte. Le récepteur, en ayant une distance constante, verrait également un décalage vers le rouge et pourquoi ? Parce qu’une très forte gravitation dilate le temps et donc décale le spectre.
Donc le redshift peut s’expliquer par autre chose que par une expansion. Ou être une combinaison d’expansion et de prise en compte de la gravité. Or les modèles font abstraction du changement de gravitation entre le big-bang (proche de la singularité quand même) et aujourd’hui (faible mais non nulle) ou traduisent le manque par énergie et matière noires.
La mesure de la constante de Hubble ajoute de la crise à la crise de la cosmologie.
Il y a de multiples preuves expérimentales (et les arguments théoriques correspondants) qui corroborent l’idée de l’expansion de l’Univers. Le rayonnement fossile a déjà été une confirmation spectaculaire, mais le fait que le spectre des fluctuations colle aussi bien entre les observations et la théorie est quelque chose d’extrêmement fort.
Bonjour , je suis pas vraiment dans le sujet de la constante de hubble, a quoi est dû le red shift ou le blue shift d’une galaxie ? Si la vitesse de la lumière est une constante comment la fréquence peut elle se décalée. Est ce le temps propre de l’atome qui emet qui est décalé par rapport a nous? Je sais pas si la question est bien formulé.
La lumière est une onde électromagnétique qui se déplace à vitesse constante dans le vide. Les différentes composantes de la lumière visible ont des fréquences différentes même si elles se déplacent à la même vitesse (fréquence plus élevée pour le bleu que pour le rouge). Donc premier élément de réponse : il n’y a pas de corrélation entre fréquence et vitesse.
Quant au déplacement d’une source lumineuse, petite analogie pour mieux comprendre : le son se déplace à vitesse constante dans l’air et pourtant quand une source sonore se rapproche elle est plus aiguë que quand elle s’éloigne, on passe d’une fréquence donnée à une fréquence plus basse.
Bonjour,
Vous parlez là de l' »expansion de l’univers » et de la vitesse des galaxies qui s’éloignent, mais dans votre (belle) video du Big Bang vous indiquez qu’il n’y a pas de réel mouvement des galaxies mais que c’est la métrique de l’espace qui varie.
En particulier l’analogie du métro : 2 stations ne bougent pas, mais la distance entre elles, si, en fonction du chemin.
Du coup, je ne sais plus comment interpréter la présente vidéo …
Concernant l’expansion de l’Univers il existé une analogie (même si assez approximative), celle d’un pain aux raisins qui gonfle pendant la cuisson. Ce ne sont pas les raisins qui se déplacent mais bien la pâte qui gonfle et nous donne l’impression que les raisins se déplacent.
Je me pose plus ou moins la même question!
Pourquoi ne pas envisager une constante de Hubble non absolument constante dans le temps ?
Il me semble qu’on y a déjà répondu :
« la constante n’est pas constante. Elle valait 0 au moment du Big Bang, puis 67 après 380 000 ans, et elle vaut 72 maintenant »
Comment peut-on faire l’expérience de l’expansion de l’univers? En effet, si l’univers est en expansion, le « mètre étalon » est aussi en expansion, donc les distances nous apparaissent inchangées?
Bonjour,
Je me demandais par quel moyen on déduit l’évolution du paramètre de Hubble.
Pour la mesure de la constante de Hubble par la méthode directe, les données qu’on observe sont parfois vieilles de plusieurs centaines de millions d’années. Est-ce que l’on utilise le modèle lambda-CDM pour déduire l’évolution du paramètre de Hubble sur ces millions d’années ? Ou est-ce que la constante de Hubble est simplement définie en fonction de la distance apparente (pas sûr que ce soit le bon terme) et non la distance réelle ?
Bonjour,
J’ai une question très naïve sur le fond diffus cosmologique; J’adorerais que ça fasse le thème d’une prochaine vidéo ;o)
On dit que le Big Bang a eu lieu il y a 13.8 Ga et que 380’000 ans plus tard, la « recombinaison » fait que une « première lumière » a pu être émise: le fond diffus cosmologique (car l’espace est devenu « transparent »). Je comprends donc cet événement (d’âge 13800-0.4 = 13799.6 Ma) comme un flash issu de tous les points du volume (peu importe sa dimension). Ai-je bien compris jusque-là?
Mais toute la lumière issue de points plus proches de nous que 13799.6 M.année-lumière est déjà passée; et ceux plus loin ne sont pas encore là. Ce qu’on voit, c’est la lumière de tous les points (à priori une sphère) se situant tout juste à 13799.6 M.année-lumière.
Comment peut-on savoir que:
1) cette sphère est bien une sphère? => problème de l’univers plat: OK, admettons; Quelle en était à taille il y a 13799.6 Ma?
2) cette uniformité du fond diffus (± des variations, mais c’est comme si la Terre avait un relief avec un Mont Everest à 8.9 cm, n’est-ce pas?) était vraiment uniforme sur tout le volume « de départ » (il y a13799.6 Ma)? Autrement dit, est-ce que ce fond diffus cosmologique a pu changer dans le temps (et sera différent dans le futur)?
3) Et ça, c’est en fait en s’imaginant que la « singularité du Big Bang » soit au centre de cette sphère. Mais en fait, on en est peut-être très loin, et ce qu’on voit, c’est une sphère qui est sur un bord très éloigné d’un volume bien plus grand, non?
Merci pour les réponses.
Chris-
Bonjour, J’ai une question qui va paraitre stupide à certains mais qui me taquine…
On accepte la constante de Hubble constante à un instant T, mais je suis choqué, ne serait ce que dans sa représentation de droite (une constante), alors qu’il me semblerait plus logique d’en prendre une version qui soit une fonction asymptotique d’ont l’asymptote soit la vitesse de la lumière.
Si on accepte cette idée, la valeur de Hubble tendrait à changer en fonction de l’éloignement et de la vitesse relative des galaxies.
Et quand on prend les valeurs mesurées, cette courbe convexe asymptotique se superpose assez bien….
Qu’en pensez vous ?
Merci et bravo.