C’est l’été, peut être me lisez-vous dans votre chaise longue, alors je ne vais pas vous assommer avec un billet compliqué, mais plutôt vous parler de tourisme. Il y a deux ans, mes vacances m’ont amené  à visiter la grotte de Lascaux, ou plutôt sa fidèle reproduction, puisque l’original est mise sous protection pour tenter de limiter sa dégradation.

En regardant attentivement les peintures datées d’il y a environ 17 000 ans, j’ai été absolument abasourdi par un détail qu’on retrouve sur beaucoup des dessins de la grotte. Il est particulièrement apparent sur celui-ci :

Rien ne vous surprend ?

Moi je suis complètement sidéré par la manière dont est suggérée la perspective ! Je trouve diaboliquement subtil cette manière d’interrompre le trait des pattes situées dans le plan le plus éloigné. C’est même à mon goût un effet terriblement moderne, on croirait presque un trait de BD du XXème siècle !

Si j’en crois ce que j’ai appris, l’apparition des effets de perspective dans la peinture date de la Renaissance. D’ailleurs l’art graphique d’avant le XIIIème siècle semble faire peu de cas de la perspective.

Un exemple flagrant ? Regardez cet extrait de la tapisserie de Bayeux, datée du XIème siècle :

Quand même le Cro-magnon de Lascaux était meilleur que le Normand de Bayeux, non ?

Il semble qu’on attribue généralement au peintre Giotto les premières innovations dans le domaine de la perspective, et De Vinci a frappé de son génie ce champ de la technique, en résumant admirablement les possibilités :

« Il y a trois sortes de perspective : la première traite des règles de diminution des choses qui s’éloignent de l’œil, et on l’appelle perspective diminutive ; la seconde comprend la manière d’atténuer les couleurs à mesure qu’elles s’éloignent de l’œil ; la troisième et dernière s’emploie à expliquer comment les choses doivent être moins nettes proportionnellement à leurs distances. Et nous les appellerons : perspective linéaire, perspective des couleurs, perspective d’effacement. »

Pour aller plus loin :

Galerie de peinture « histoire de la perspective« 

5 Comments

  1. Est-ce que les peintres médiévaux ignoraient totalement la perspective, ou est-ce que, simplement, ça ne les intéressait pas ?

    • Effectivement, il doit y avoir un peu de ça. J’ai cru comprendre qu’il y avait au moyen-âge une volonté non pas tant de représenter dans la réalité, mais plutôt de la symboliser, un peu comme on le ferait nous avec un shéma ou un cartoon.

  2. J’ai vu il n’y a pas si longtemps que les premières perspectives remontent à la grotte Chauvet en Ardèche, soit vers -35 000 ans.
    Quid des égyptiens? incultes ou désintéressés? Précurseurs du cubisme? 🙂

    Comme quoi des billets peuvent ne pas être « compliqués » et faire réfléchir.

  3. À tourisme estival je te répondrai en te parlant de mes lectures estivales, « Mon nom est Rouge », de Orhan Pamuk, qui prend place au 16e siècle au coeur de l’empire Ottoman, et où il est question tout au long du roman de transgression des règles de représentation des maîtres anciens à la faveur de la mode d’Occident, où l’on ne représente plus les choses selon leur valeur, mais selon ce à quoi elles ressemblent… La perspective du sultan représenté plus petit qu’un chien au premier plan… scandale !

    • Eh bien effectivement, ça va bien dans le sens de cette idée de passage d’une représentation symbolique de la réalité, à une représentation réaliste.

      C’est marrant puisque maintenant que nous avons la photographie, les arts graphiques peuvent se détacher de se besoin de représenter la réalité…bon sauf pour ceux qui trouvent que Compotier de cristal et melons est une belle peinture intéressante 🙂

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