La vidéo du jour est un sujet que j’aime bien, qui permet de parler de physique, de chimie, de bio, d’archéologie et même de religions !

J’ai hésité à en dire plus sur la radioactivité, et puis je me suis dit que je ferai un épisode spécial sur le sujet. Notons tout de même que le carbone 14 est la deuxième plus grosse source de radioactivité de nos organismes, juste derrière le potassium 40. Ce dernier représente 0.01% du potassium naturel, et sa demi-vie est de 1,24 milliards d’années. C’est ce potassium qui rend la banane radioactive, et qui est à l’origine de cette unité appelée la « dose équivalente banane ». Mais la banane n’est pas la denrée alimentaire la plus radioactive (au kg), il s’agirait de la noix du Brésil !

Concernant les variations naturelles du 14C dans l’atmosphère, une anecdote amusante que j’ai coupée dans la vidéo : les analyses d’anneaux d’arbres ont montré un phénomène étrange, un pic autour de l’année 774-775 (une élévation relative rapide de 1% du taux), visible dans des arbres au Japon, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis… Aujourd’hui on ne sait pas avec certitude à quoi serait dû ce pic. On a pensé à une supernova, mais les écrits astronomiques de l’époque ne semblent pas aller dans ce sens. Il peut s’agir plus vraisemblablement d’un pic d’activité solaire. Il y a d’ailleurs une mention dans la Chronique Anglo-Saxonne d’un « crucifix rouge », qui serait apparu dans le ciel cette année là, et qui pourrait correspondre à une aurore boréale due à une telle activité solaire.

Concernant les datations en Egypte ancienne, quelques compléments sur des points que j’ai évoqué. Tout d’abord cette mystérieuse théorie sur l’orientation des pyramides. Son principe en est en gros le suivant : il semblerait que les bâtisseurs des pyramides aient su les aligner de façon remarquablement efficace sur les points cardinaux, en utilisant certaines étoiles pour repérer ceux-ci. Or la position de ces étoiles bougeant lentement (et étant calculable), à partir de l’orientation d’une pyramide on doit pouvoir estimer vers quelle époque elle a été construite.

Le fait d’utiliser des phénomènes astronomiques pour la datation n’est d’ailleurs pas nouveau. Un cas intéressant est celui de ce qu’on appelle le lever héliaque de Sirius. Cela désigne le moment où l’étoile Sirius devient à nouveau visible au-dessus de l’horizon Est, le matin. (Aujourd’hui au mois d’août à la latitude du Caire). Mais cette date évolue tout doucement année après année. Or les Egyptiens considéraient que quand le lever héliaque de Sirius coïncidait avec le nouvel an, c’était un présage extrêmement favorable. On peut calculer que cela ne se produit que tous les 1460 ans environ, et donc la mention de cet événement exceptionnel permet de le dater de façon quasi-certaine. (On sait que cela a eu lieu en 139, -1317, -2775, et -4235).

Ensuite un point intéressant sur les matériaux analysés : malgré leur origine, il vaut mieux éviter les bandelettes des momies, car il semble qu’il était de coutume de les imbiber avec du bitume. Or ce dernier fonctionne comme les hydrocarbures, il risque donc de fortement diluer le taux de carbone 14 et donc de fausser la mesure.

Une petite précision sur l’analyse de l’encre de Vinland, ce qu’on a retrouvé c’est plus exactement du TiO2 dans sa forme « anatase » (l’autre forme classique étant « rutile »), et c’est cette forme qu’on ne sait fabriquer que depuis les années 1920.

Sur le Beryllium 10 et son utilisation pour dater des fossiles, si j’ai bien compris le principe est un tout petit peu différent puisque ce qu’on date n’est pas le fossile proprement dit, mais les couches sédimentaires dans lesquelles il a été retrouvé.

Quant à la datation U-Pb, c’est encore plus subtil. Si j’ai bien compris, quand le zircon se forme, il éjecte naturellement le plomb. En revanche il peut contenir de l’Uranium 235 ou 238. Comme celui-ci se désintègre en plomb (Pb207 pour U235 et Pb206 pour U238), tout plomb trouvé dans le zircon provient de cette désintégration. Et la mesure des ratios permet donc d’estimer l’âge de la roche, connaissant les demi-vies associées (respectivement 700 millions et 4.5 milliards d’années).

40 Comments

  1. Merci super video !
    J’ai une question : comment fait-on la différence entre les isotopes stables et ceux instables ? Surtout que certains isotopes ont des demi vies extrêmement grandes

  2. Ça me fait penser à une des premières nouvelles de Asimov « Aucun Rapport », où la méthode U-Pb est utilisé pour dater des sédiments. Sauf que les résultats sont aberrants dans certaines zones (car une ancienne civilisation se serait un peu trop amusé avec la bombe atomique).

    • Bonsoir Olex
      Vous souviendriez vous du titre de la nouvelle ou du titre du livre?
      Merci

  3. Louis-Marie Poissant Reply

    Comme d’habitude excellent sauf les mesures sur le Suaire.
    J’ai travaillé 25 ans en santé publique, ici a Ottawa et surtout au Québec il y a beaucoup de puits contenant de l’uranium, donc du radon dans les maisons. Cancer du poumon etc.
    Pour le suaire de Turin vous voys avancez trop dans un domaine difficile. La technique de Libby ne peut s’appliquer ici pour plusieurs raisons. Je vous recimmande « le radiocarbine face au Linceul de Turin, isbn 2-86839_609-7.
    Acides humique et fulvique, tout y passe.

    • Miloslav Bilik Reply

      Le seul évangile qui mentionne la plaie au côté du Christ ne parle pas de suaire. Il indique que le corps a été serré dans des bandelettes.

    • Melrindeau Reply

      Ce qui est amusant, c’est que la datation au C14 est d’enfer, mais dès qu’on s’attaque au pseudo suaire, rien ne va plus, et « on » trouve un tas de supposées failles. Je me souviens d’un article de Science et Vie : les sidonistes ne font que faire dire à la datation ce qu’elle ne dit pas, pour mieux la dézinguer, où alors, en appellent à des cas qui ne s’appliquent pas au drap (pour l’acide humique, vous « datez » mon cher). Le « suaire » est un faux, et pas besoin de datation : un autre intervenant mentionne le fait que l’image devrait être déformée, telle une anamorphose, et surtout, le dessin est anatomiquement erronée : les jambes sont trop courtes. Les dessinateurs vous expliqueront que cela arrive quand on dessine un personnage en pied sur un plan pas suffisamment incliné. Et il a un bras plus long que l’autre (ben voyons, c’est parce que l’épaule est déboitée, c’est ça ?).

    • Melrindeau Reply

      J’oubliai : à l’époque de l’apparition du saint suaire, le pape d’alors, Innocent VI, ordonna dans une bulle, de montrer le suaire aux croyants pour leur édification, mais en leur disant bien que c’était un faux.

  4. Y a une question que je me pose depuis assez longtemps à propos du fonctionnement de la désintégration radioactive et vu que c’est un peu le sujet de l’article, j’en profite pour la poser ici :

    – Comment ça fonctionne la désintégration radioactive pour un atome qui se trouve au sein d’une molécule ?

    Concrètement : est-ce que suite à la désintégration radioactive au sein de l’atome, la liaison covalente concernée est rompue ou bien est-ce juste que la molécule n’est plus électriquement neutre ? Si la liaison covalente se brise, est-ce que la molécule doit se réorganiser localement (ex : se lier avec un autre atome qui passait par là), ou bien ça entraîne une réaction en chaîne qui fait que toute la molécule se disloque) ?
    Ou bien et-ce qu’il y a un mécanisme qui bloque la désintégration radioactive de l’atome tant qu’il est au sein d’une molécule et ne concernent que les atomes « solitaires » sous la formes d’ion ? ou bien qu’avec un tel mécanisme, si jamais l’atome « doit » se désintégrer, il doit d’abord s’extraire de la molécule avant de pouvoir effectuer la désintégration ?

    Si quelqu’un ici a des éléments de réponse, je suis preneur.

    • La désintégration se fait que l’atome soit ou non dans une molécule (c’est d’ailleurs ça qui a fait dire à Becquerel que la radioactivité n’était pas un phénomène chimique). Quand elle arrive, la molécule se casse. Mais il n’y a pas de perte de charge donc l’ensemble reste électriquement neutre.

  5. BEATRICE VIRASOLVY Reply

    Il faut écrire « …puisque ce qu’on date… », ce n’est pas le verbe avoir !!!

  6. Joseph Michalski Reply

    Le suaire de Turin est paradoxal.

    L’image du visage du Christ sur le suaire ressemble a celle d’une projection orthogonale. Chaque portrait peint ou photographie est une projection orthogonale. C’est le produit de la projection sur un plan. La projection d’un suaire devrait se faire, non pas sur un plan mais, en simplifiant, sur un surface courbée. Par exemple, la projection de mon visage, sans les oreilles et les cheveux, fait environ 17 cm de largeur. Si l’on applique un suaire sur mon visage, la largeur du tissus en contact avec mon visage fera au moins 22 cm et l’image obtenue sera une projection cylindrique.
    A mon avis, s’attaquer au suaire de Turin avec le carbone-14, fut une incompréhensible bévue.

    Joseph Michalski

  7. Hadancourt Michel Reply

    Bonjour,
    Vidéo très intéressante comme toujours. Du coup je suis allé voir de plus près le linceul de Turin et j’ai lu ceci :
    « Un rayonnement par l’éclatement de particules de deutérium, en protons et neutrons donne une oxydation acide déshydratante de surface très proche de celle du linceul et <> sur la cellulose, ce qui rajeunit le tissu. ».
    Je ne suis pas du tout assez compétent pour savoir si cela a une quelconque possibilité de vérité, principalement le passage que j’ai souligné entre guillemets ? Merci de votre attention.
    Cordialement,
    Michel Hadancourt.

  8. Hadancourt Michel Reply

    Il manque justement le passage que j’ai souligné entre guillemets : « … le bombardement de neutrons apporte du 14C sur la cellulose … ». C’est ce point particulier pour lequel je me pose la question de savoir s’il est scientifiquement plausible ? Merci.
    Cordialement, Michel Hadancourt.

  9. François HAMET Reply

    En datation de roches, le laboratoire de géophysique du globe utilisait les couples potassium-argon, rubidium-strontium, et uranium 235-237, si je me souviens bien de ce que me disait mon frère!

  10. Et donc l’âge de M. Drucker ? Il y a d’autres techniques pour dater des choses moins « vieilles » ? (un élément avec une demi-vie équivalente au siècle)

  11. Bonjour,

    Vidéo très sympa, ça m’a rappelé les cours du lycée.

    Petite question qui me taraude cependant : on utilise la demi-vie d’éléments radioactifs pour effectuer les datations, certes… mais comment a-t-on pu déterminer ces demi-vies en premier lieu ?

    Autant pour certains isotopes dont la durée de demi-vie est courte, on peut la déterminer de façon empirique : on compte le nombre de désintégrations sur une période de temps suffisante et on la déduit. Autant pour les isotopes avec une demi-vie très longue, ça semble plus compliqué (il faudrait probablement observer plusieurs échantillons pendant plusieurs années pour avoir suffisamment de désintégrations et éliminer le bruit statistique lié au caractère aléatoire de la radioactivité).

    Quelqu’un a-t-il des infos là-dessus ?

  12. Bonsoir, excellente vidéo comme d’habitude avec un sujet très intéressant qui revient souvent à nos oreilles (la fameuse « datation au carbone 14 ») et qui pour ma part était souvent source d’interrogation quant au bien fondé de sa méthode .

    Une question me taraude cependant, comment sommes-nous parvenus à déterminer que la demi-vie du carbone 14 est de 5730 ans ? (Calcul, observations, combinaison de ces deux éléments ou autre) ?

    Merci d’avance pour votre réponse,

    (Votre travail de vulgarisation est exceptionnel)

    Cyril

  13. Bonsoir,
    C’est toujours super intéressant de vous lire et de voir vos vidéo;
    Concernant les techniques de datation, je crois me souvenir d’une méthode ne faisant pas appelle à des isotopes radioactifs mais à l’utilisation de molécules de différentes sortes:
    il s’agissait, de mémoire, de l’acide aspartique présent sous deux formes dans un échantillons (os par exemple).
    Si je me rappel bien, la cinétique de la réaction permettant de passé d’une forme à l’autre est très lente et commence à la mort de l’individue; on étudie donc le rapport des quantités de matières des deux formes pour obtenir l’âge de l’échantillon.
    Cette technique permet de dater des échantillons assez vieux (~ 100 000 ans ou 50 000 ans dans mes souvenirs)
    J’avais eu ça comme exercice en prépa … 🙁
    Merci encore, Luc

  14. Prolapsuceur Reply

    Bonjour, je n ai pas compris si, grâce à la datation au 14C nous pouvons directement savoir l age qu avait l organisme lorsqu’il est mort. Et si cela est possible, alors comment le savoir?

    • Bonjour,
      Oui et non! Avec le carbon 14, on peut dater seulement la mort des composés organiques, donc de façon générale, non, on ne peut pas dater l’age de mots des organismes. Mais certains organismes vivants sont composés de parties mortes (les parties centrales des arbres sont cités dans la vidéo accompagnant ce billet). On peut aussi imaginer (cette liste est évidemment à vérifier et à completer) : les peaux mortes, cheveux, ongles, cornes, griffes, coquilles des mollusque (par exemple : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/zoologie-ming-animal-plus-age-monde-plus-vieux-prevu-50299/ ) mais aussi des bulles d’air prises dans la glace.
      Colin

  15. e reposte mon commentaire youtube ici en esperant avoir une reponse, je me doute que c’est compliquer de repondre aux commentaires sur youtube…

    > Euh j’ai buge la avec cette histoire d’Helium 6 se transformant en Lithium 6. Comment un neutron composer de quarks peut il emettre un electron (particule elementaire il me semble) et se transformer en proton ?? J’ai manque une etape ? (*cerveau en PLS*) 🤯 Et du coup meme question pour l’Oxygene 15 en Azote 15 avec emission d’un positron…

    Si non, encore super boulot ! Toujours fascinant d’en apprendre avec Science Etonnante ! 🙂

  16. Attention coquille dans le titre qui pique un peu les yeux : LA carbone 14 🙂

    belle video !

  17. den.bard@orange.fr Reply

    Bonjour, Surement pas le premier à vous le dire, mais le premier paragraphe mélange C14 et potassium Cdlt

    Denis Bard

  18. Baudouin ROZET Reply

    « […] a mesure des ratios permet donc d’estimer l’âge de la roche, connaissant les demi-vies associées (respectivement 700 millions et 4.5 milliards d’années). »

    Cette connaissance des « demi-vies associées (respectivement 700 millions et 4.5 milliards d’années) » repose sur quoi? Sur un calcul ? Sur l’observation ?

    C’est cela qui m’est très difficile à comprendre…

  19. Bonjour,

    Moi ce qui m’a surpris ce n’est pas les explications, ici sur la datation et les radio-isotopes, toujours aussi claires, mais cet incroyable tacle à la carotide venu de nul part envers cet animateur qu’on ne nommera pas ici, ce qui ne ressemble pas à notre David (mais qui m’a fait rire je l’avoue).
    C’est tellement inhabituel qu’il y a forcément une explication. David se serait-il vu refusé une émission sur la TV classique parce que ce fameux animateur ne veut pas lâcher ne serait-ce qu’un quart d’heure sur ses émissions ?
    Le mystère demeure…

  20. Juste une suggestion pour un épisode: La génération de nombres aléatoires, ou comment une machine peux elle générer des nombres réellement aléatoires grâce a des éléments extérieurs comme les nuages, les lava lamps, ou autres.
    Et merci pour toutes ces vidéos.

  21. Vincent Cormier Reply

    Super. Très clair et marrant. Continuez, vous êtes une lumière dans l’obscurité de la physique. Merci (et toujours sans cligner des yeux !).

  22. Rien à voir avec le Carbone-14, mais avez vous déjà songé à écrire des petits livres de vulgarisation scientifique pour les tout petits ?
    Ma fille de 3 ans et demi m’a demandé de lui expliquer ce que voulait dire  » un atome » et  » d’où vient la nuit » et « pourquoi la lune ne brille que la nuit et pas le jour » … eh bien ! ce n’est pas évident d’expliquer cela à un enfant de cet âge sans lui brouiller l’esprit.

    Merci encore pour toutes ces vidéos 🙂

  23. vidéo géniale, billet fourni, comme d’habitude 🙂 j’ai lié ensuite la désintégration du carbone 14 avec l’interaction faible et d’autre blog ont confirmé ce propos. ça aurait mérité d’être dans la vidéo, pour une fois qu’on a un exemple clair de cette interaction

  24. ouatchome gapili Reply

    Cas du tritium.sa demi-vie et formules de calcul des âges.

  25. Pingback: L'Histoire du Mètre - Granny Geek

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