L’état végétatif est un état physiologique encore très mal compris. Il se rencontre à la suite de traumatismes crâniens ou au sortir d’un coma. On peut le définir comme un état éveillé, mais sans aucune manifestation volontaire ou consciente.

Grâce à des techniques récentes d’IRM, on a pu se rendre compte que pour certains patients, l’état végétatif pouvait présenter une activité cérébrale qui se rapproche de celles d’un état de conscience minimale, voire même jusqu’à entamer un début de communication avec eux !

Ces découvertes vont peut être nous amener à devoir réviser la notion d’état végétatif.

Qu’est-ce que l’état végétatif ?

L’état végétatif est encore mal défini. Contrairement au coma, il s’agit d’un état éveillé, c’est-à-dire que les patients qui s’y trouvent manifestent toujours une alternance de cycles de sommeils et de cycles d’éveil, et peuvent occasionnellement ouvrir les yeux. En revanche, cet état se caractérise par l’absence totale d’actes volontaires ou conscients, et de fonctions cognitives supérieures.

Son diagnostic est fort délicat, car il s’agit de le distinguer d’autres états comme le syndrome d’enfermement (locked-in syndrome) – dans lequel le patient est parfaitement conscient mais totalement paralysé – ou l’état de conscience minimale, dans lequel les patients ont une conscience limitée mais réelle de leur environnement.

Le tableau ci-dessous extrait d’un article de revue [1] montre la comparaison de ces différents diagnostics.

IRM et réaction au langage

Depuis l’avènement de techniques de neuroimagerie comme l’IRM fonctionnelle, des chercheurs ont découvert que l’état végétatif n’était peut être pas aussi inconscient qu’on le croyait auparavant. La première découverte concerne la réaction au langage.

Pour tester une possible perception du langage par des patients en état végétatif, une expérience a été réalisée dans une IRM permettant de suivre en direct l’activité cérébrale. On commence par faire entendre aux patients une phrase, puis on leur fait entendre un autre son qui n’est pas fait de mots, mais dont les caractéristiques acoustiques sont similaires.

On a pu alors constater grâce à l’IRM que dans le premier cas, mais pas dans le second, des aires cérébrales spécifiques du langage sont activées. Ceci prouve que certains patients en état végétatif ont retenu une capacité à reconnaître le langage. Mais pour aller plus loin et montrer qu’il existait bien un traitement cérébral de ce que le patient entendait, les chercheurs ont imaginé une autre expérience.

Ils ont cette fois fait entendre aux patients une phrase comportant une ambiguïté phonétique, par exemple en français : « Il partit en emportant les trois seaux / l’étroit seau ». Chez certains patients, des aires spécifiques s’activent lorsqu’ils entendent des phrases ambigües, ce qui semble montrer que leur cerveau procède à un traitement de l’information reçue via le langage.

Jouer au tennis ou se promener chez soi

C’est en 2006 qu’une étape décisive a été franchie [2]. Une équipe de l’université de Cambridge en Angleterre a montré qu’une patiente de 23 ans en état végétatif pouvait reconnaître et obéir à des consignes. Pour cela, ils ont placé la jeune fille dans une IRM, et lui ont demandé de s’imaginer en train de jouer au tennis avec un partenaire. Puis il lui ont demandé de s’imaginer en train de se promener dans les différentes pièces de sa maison.

Les deux activités ont montré en IRM des signaux d’activation cérébrale très différents. Ils ont ensuite comparé ces signaux avec ceux de patients sains à qui ont demandait de s’imaginer les mêmes choses. Et le résultat est spectaculaire : les aires cérébrales activées sont les mêmes, comme le montre l’image ci-dessous [1]. Bien sûr, il est important de préciser que cette patiente constituait un cas particulier, et que de tels résultats n’étaient pas obtenus avec tous les patients végétatifs.

Vers une forme de communication ?

Suite à ces résultats spectaculaires, plusieurs équipes ont essayé des tests similaires, notamment pour distinguer si certains patients n’auraient pas été abusivement diagnostiqué comme « végétatifs ».  Nous avons vu que la frontière peut parfois être maigre avec d’autres types d’états.

En 2010, l’équipe de Cambridge semble avoir achevé un pas déterminant vers une forme de communication [3]. Avec un de leurs patients, ils ont réussi à établir un protocole de questions/réponses : ce dernier pouvait répondre par oui ou par non à certaines questions, en s’imaginant soit en train de jouer au tennis (pour dire « oui »), soit en train de se promener chez lui (pour dire « non »). L’observation des aires activées en IRM permettait de connaître la réponse.

Ils ont ainsi pu vérifier que le patient répondait correctement à un certain nombre de questions autobiographiques simples (comme « Votre père s’appelle-t-il Thomas ? »). Toutefois ces réponses ne peuvent pas encore stricto sensu être considérée comme de la communication, puisque les réponses ne relevaient pas en principe d’une action consciente.

Ca n’est que très récemment (fin 2012), que l’équipe a affirmé avoir obtenu pour la première fois une forme de communication chez un patient canadien. En utilisant le même protocole, ils lui ont demandé  : « Est-ce que vous souffrez ? ». « Non » a-t-il répondu, grâce à l’image IRM.

Malheureusement à l’heure actuelle, ces avancées n’ont été obtenues que sur une fraction très restreinte des patients, et la lourdeur de l’utilisation d’une IRM ne peut pas constituer un mode permanent de communication avec eux.

Même si ces résultats sont encore balbutiants, ils constituent un sérieux espoir d’une meilleure compréhension de l’état végétatif. Ils ont d’ailleurs amené (au moins en français) à une redéfinition de cet état, dont le nom « végétatif » était assez négativement connoté (l’appellation « légume » vient de là…). Officiellement, on le désigne maintenant de manière plus explicite comme « Syndrôme d’éveil non-répondant ».

[1] Owen, A. M., & Coleman, M. R. (2008). Functional neuroimaging of the vegetative state. Nature Reviews Neuroscience, 9(3), 235-243.

[2] Owen, A. M., Coleman, M. R., Boly, M., Davis, M. H., Laureys, S., & Pickard, J. D. (2006). Detecting awareness in the vegetative state. Science, 313(5792), 1402-1402.

[3] Monti, M. M., Vanhaudenhuyse, A., Coleman, M. R., Boly, M., Pickard, J. D., Tshibanda, L., … & Laureys, S. (2010). Willful modulation of brain activity in disorders of consciousness. New England Journal of Medicine, 362(7), 579-589.

Plus de choses sur le site d’Adrian Owen. Concernant le tout dernier résultat sur le patient canadien, l’histoire a fait les titres des journaux mais je n’ai pas vu de publication scientifique correspondante.

Comments

  1. Pingback: Communiquer avec des patients végétatifs grâce à l’IRM | C@fé des Sciences | Scoop.it

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