Eh non, Milankovitch n’est pas le nom de la belle qui tient le premier rôle dans Le 5ème élément ! Mais celui d’un astronome serbe beaucoup moins sexy, qui, en 1920, conjectura un lien entre d’infimes variations périodiques de l’orbite terrestre, et les changements climatiques qui sont intervenus sur Terre sur des échelles de quelques centaines de milliers d’années.
Les glaciations du Pléistocène
La Terre est âgée de 4,5 milliards d’années, et tout porte à croire que son climat a beaucoup changé au cours de son existence. On sait par exemple qu’il y a 750 millions d’années, notre planète était totalement recouverte de glace des pôles à l’équateur ! C’est ce qu’on appelle la glaciation Varanger.
Il n’est pas forcément évident de trouver des traces du climat aussi loin dans le temps (la glaciation Varanger est un cas extrême), mais pour les périodes plus récentes, on a pu reconstituer une histoire climatique un peu plus précise : c’est le cas des glaciations du Pléistocène.
Le Pléistocène est une ère géologique ayant débuté il y a (seulement) 2,5 millions d’années, à peu près en même temps que l’apparition du genre Homo. Au cours de cette ère, la Terre a connu une demi-douzaine de glaciations, entrecoupées de périodes plus tempérées. Cette périodicité du climat a laissé de nombreuses traces géologiques, notamment dans les couches sédimentaires.
La théorie de Milankovitch
De nombreux facteurs peuvent a priori expliquer ce caractère variable et périodique du climat terrestre : une variation de l’activité solaire, ou une évolution de la quantité de poussières atmosphériques ou interstellaires, ou bien des modifications de la teneur en dioxyde de carbone, ou encore des évolutions de l’activité océanique, etc.
Entre 1920 et 1941, l’astronome serbe Milutin Milankovitch a formulé une théorie cherchant à expliquer les glaciations du Pléistocène par les variations périodiques subtiles que subit l’orbite terrestre. En effet à cause de l’influence des autres planètes, l’orbite de la Terre autour du Soleil n’est pas parfaitement régulière. Or de petites variations de cette orbite peuvent affecter la quantité et la répartition de l’énergie solaire reçue par la Terre, et donc son climat.
La première cause de variation vient du fait que la Terre ne décrit pas autour du Soleil une orbite parfaitement circulaire, mais très légèrement elliptique. Le degré d’ellipticité de la trajectoire se mesure par une quantité géométrique appelée excentricité. Pour une trajectoire circulaire, l’excentricité vaut 0, pour une trajectoire très elliptique, elle est proche de 1.
Celle de la Terre est très proche d’être circulaire, mais son excentricité varie périodiquement entre 0,005 et 0,058. Ca n’est pas grand-chose mais cela change légèrement la distance entre la Terre et le Soleil aux différentes saisons pour les deux hémisphères. Milankovitch avait calculé que cette variation se produisait avec des cycles d’oscillation d’environ 100 000 ans.
Second facteur : comme vous le savez certainement, l’axe de rotation de la Terre sur elle-même n’est pas perpendiculaire au plan de l’orbite autour du Soleil (ci-dessus à gauche). Cette inclinaison est la cause de l’existence des saisons. Or l’angle d’inclinaison n’est pas toujours le même et varie périodiquement entre 22.1° et 24.5°, et ceci avec un cycle de 41 000 ans.
Enfin dernière subtilité, cet axe de rotation est certes incliné, mais la direction de cette inclinaison change au cours du temps (ci-dessus à droite) : c’est ce qu’on appelle la précession. Ce phénomène se produit avec une périodicité d’environ 21 000 à 25 000 ans .
En somme Milankovitch a identifié trois phénomènes astronomiques périodiques pouvant influer sur le climat, et calculé les périodes correspondantes : 100 000, 41 000 et 25 000 ans.
La réponse est dans la carotte
Jusqu’en 1976, la théorie de Milankovitch n’était qu’une des nombreuses théories pouvant en principe expliquer la périodicité des glaciations du Pléistocène. Mais cette année là, un papier de J. D. Hays [1] et ses collaborateurs dans Science prouva la pertinence des calculs de Milankovitch.
Les auteurs ont analysé des carottes d’une dizaine de mètres, constituées de sédiments couvrant environ les 450 000 dernières années du Pléistocène. Plusieurs marqueurs géologiques contenus dans ces carottes permettent d’obtenir une courbe représentative des évolutions du climat au cours de cette période.
La figure ci-contre tirée de l’article montre l’évolution de trois de ces marqueurs pour une des carotte analysée. On voit bien intuitivement qu’une périodicité existe.
Le résultat spectaculaire est qu’en analysant mathématiquement les périodicités de ces courbes, les auteurs ont pu montrer que les variations climatiques se sont faites selon 3 oscillations caractéristiques : environ 100 000, 42 000 et 23 000 ans.
Presque exactement les périodes des cycles calculées par Milankovitch !
Ce dernier avait raison : les glaciations du Pléistocène ont bien leur origine dans les infimes variations périodiques de l’orbite terrestre.
Des manifestations variées mais spectaculaires
Les conséquences géologiques des cycles de Milankovitch ne s’expriment pas de manière identique partout. Suivant la latitude, la situation, etc. certaines périodicités peuvent être plus apparentes que d’autres. On sait également qu’une périodicité supplémentaire de 400 000 ans existe pour la variation de l’excentricité.
Une des plus belles manifestations géologiques des cycles de Milankovitch est visible sur la photo ci-dessous. Il s’agit de falaises en Silice, appellées Scala dei Turchi, et dont les alternances de strates peuvent être mises en relation avec la périodicité des cycles de Milankovitch.
Joli, non ?
Vous pouvez aussi aller voir cette très jolie série de photo.
Évidemment comme tout ce qui a trait au climat et à ses variations, le pauvre Milankovitch a été récemment appelé au coeur du débat sur le réchauffement climatique, mais c’est une autre histoire…
Le site de la NASA dont j’ai extrait les images d’inclinaison et de précession
[1] Le papier Hays et al. en 1976
8 Comments
Encore une bien belle histoire de tonton Neko…
Merci de tes encouragements ! Et puis j’aime bien qu’on m’appelle Neko, ça me fait me sentir jeune !
Etonnant! non? de surcroit j’ai (presque) tout compris
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Je suis avec beaucoup d’intêret vos différentes videos publiées sur youtube. Vous êtes très clairs et vos thème sont bien choisis.
Bravo.
Christian ( ingénieur , directeur général d’entreprise retraité)
Merci pour cet article, il m’a permis d’enrichir mon cours de sédimentologie ! Les explications sont très claires.
Silice ou Sicile?