J’ai eu cette année le plaisir de faire partie du jury des Olympiades de la Physique, dont la finale s’est déroulée ce week-end au Palais de la Découverte. Au cours de ces deux journées, 26 groupes de lycéens nous ont présenté leurs travaux et expériences, et l’on peut dire que pour un scientifique aguerri, l’ensemble fut extrêmement rafraichissant, voir carrément bluffant !
26 finalistes
Les Olympiades sont organisées depuis 1992, et voient concourir des lycéens qui présentent en petit groupe un projet scientifique expérimental en physique. Après des sélections régionales au mois de décembre, les 26 groupes retenus se sont retrouvés vendredi et samedi au Palais de la Découverte pour la finale nationale.
Précisons tout de suite que bien qu’il s’agisse d’un concours, cela ressemble un peu à l’Ecole des Fans. Le jury se contente en effet de classer l’ensemble des 26 finalistes en trois groupes : 6 ou 7 « premiers prix », 7 ou 8 « deuxièmes prix » et une douzaine de « troisièmes prix ».
La compétition reste donc relativement secondaire, et il me semble que pour ces jeunes, le plaisir de venir dans ce lieu magique présenter leurs expériences l’emporte sur l’enjeu. Il y a tout de même des récompenses puisque les groupes gagnent tous un prix en espèces, du matériel pour leur lycée ainsi qu’une visite d’un laboratoire d’une école ou d’une université.
Les groupes sont auditionnés dans les différents amphis du Palais (à droite l’amphi de la célèbre expérience d’électrostatique) sous la forme d’un exposé de 20 minutes (avec des manips en direct), suivi de 10 minutes de questions du jury et 10 minutes de discussion plus informelle autour des manips.
Tous les groupes ont écrit un mémoire de 20 pages qui a été lu en détail par au moins 2 rapporteurs parmi les membres du jury.
Chercheurs en herbe
Le résultat final est vraiment impressionnant. Beaucoup de groupes arrivent à monter des manips assez délicates, et apprennent à surmonter les difficultés qui font que ça ne marche jamais du premier coup.
C’est d’ailleurs assez rafraîchissant, car ces lycéens n’hésitent pas à nous raconter l’aventure en entier, avec ses échecs et ses galères, ce qui nous change un peu des papiers scientifiques où tout est écrit comme si c’était évident et que ça marchait du premier coup.
Bref à voir leur enthousiasme, on se prend presque à vouloir retourner au lycée pour avoir la chance de vivre ce genre de choses. Une expérience qui à mon avis leur en apprend bien plus sur la science (et la vie professionnelle en général) qu’un cours sur la codiagonalisation du hamiltonien en base orthonormale.
En tout cas certains groupes m’ont fait tellement envie, que j’aurai vendu père et mère sur place pour revenir en arrière et participer moi aussi (Papa, Maman, si vous me lisez…)
Des manips souvent bluffantes
Beaucoup de groupes ont réussi à monter des manips extrêmement délicates, tout en appréhendant des concepts souvent situés assez au-delà de leur strict programme d’enseignement. Comme ce groupe qui a réalisé « sur un coin de table » des aurores boréales de différentes couleurs, ou ceux qui nous ont fabriqué en direct l’hologramme d’une pièce de 2 euros.
D’autres groupes ont monté des manips peut être plus classiques, mais qu’ils ont su analyser avec une vraie démarche scientifique, en étudiant l’influence de plusieurs paramètres et en les corrélant à des modèles théoriques.
On peut citer par exemple ce groupe féru de modélisme, qui a conçu un véritable banc de mesures pour hélices, et qui a été jusqu’à fabriquer des hélices « types » pour comprendre le rôle des différents paramètres géométriques de conception sur l’efficacité de la traction.
Ou encore ce groupe qui a mis en évidence avec des ondes dans l’eau différents phénomènes comme la diffraction, la dispersion, le sillage de Kelvin ou le mascaret. Le tout était tellement pédagogique que les profs faisant partie du jury ont avoué avoir pris une vraie leçon.
Le meilleur pour la fin
Enfin on a frôlé l’extase scientifique avec certains groupes qui ont réussi à combiner les deux exploits, c’est-à-dire à monter des manips hautement non-triviales, tout en les étudiant à fond et en s’approchant des frontières de la recherche dans le domaine. Par exemple ce groupe qui a réalisé des mesures astronomiques de luminosité sur l’astéroïde « Herculina », a cherché à l’aide d’une maquette à corréler ces mesures à la forme de l’astéroïde, et a même confronté ses conclusions à celles d’astrophysiciens professionnels avec qui ils ont échangé.
Mon coup de cœur personnel va à ce groupe de lycéens de Lannion qui a réalisé avec trois fois rien de matériel un engin submersible pour étudier le mélange des eaux (douce et salée) à l’embouchure d’une rivière.
Le submersible possède un astucieux système mécanique lui permettant de remonter en lâchant du lest quand il touche le fond de l’eau. Il est équipé de capteurs de température, pression et conductivité que les élèves ont réalisé eux-mêmes, tout en en comprenant les principes physiques sous-jacents (comme le lien entre teneur en sel et conductivité électrique de l’eau).
Je suis presque tombé de ma chaise quand j’ai appris à la fin qu’ils étaient tous en seconde, et qu’ils avaient essentiellement réalisé tout ça pendant leur classe de troisième ! Et pour avoir discuté avec eux et les avoir entendus raconter l’aventure, on peut clairement dire qu’ils ont bien fait le chemin eux-mêmes, sans que leur prof ne les guide à l’excès vers les solutions à trouver.
L’ensemble des deux jours m’a laissé une impression merveilleuse : à voir ces profs ultramotivés et enthousiastes qui ont donné de leur temps et de leur énergie, et à voir ces jeunes qui n’ont pas compté leurs heures le mercredi après-midi, le soir, pendant les vacances, voire carrément la nuit, on reprend un peu confiance dans la capacité du système éducatif à former des citoyens et des scientifiques éclairés. Même si je suis conscient de ne regarder là que la partie supérieure de l’iceberg, ça fait quand même bien plaisir !
Il y a des jours comme ça où je comprends pourquoi j’aime la Science…
6 Comments
Je garde un très bon souvenir de l’édition 1999 (le temps passe), où l’on avait monté des expériences autour des matériaux granulaires. L’inventivité des autres groupes nous avait particulièrement bluffé.
comment fait on pour faire être jury des olympiades?
Environ 2/3 des jurés sont des professeurs de physique, en lycée, prépa ou à l’université. Parmi les autres il y a des chercheurs, journalistes, industriels…Je ne sais pas comment la sélection du jury se fait. Pour ma part, mon entreprise contribue financièrement à l’organisation, et c’est pour cela qu’on m’a proposé de faire partie du jury.
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