Dans la vidéo du jour, on se demande pourquoi ça reste si compliqué de construire une bombe atomique

Comme toujours, quelques petits compléments de rigueur.

Quand je parle de la fission comme nécessitant un neutron déclencheur, je parle de ce qu’on appelle spécifiquement la fission induite. Il existe aussi des formes de fissions spontanées mais qui sont plus rares. Les demi-vies associées sont assez énormes.

Au sujet de Lise Meitner, outre son rôle scientifique et historique essentiel dans cette histoire, c’est aussi un des cas d’école de femme scientifique à qui on n’a pas daigné décerner le prix Nobel. L’histoire est plutôt complexe, et il faudrait la raconter en entier car tout ça se déroule en pleine période de guerre, mais à la fin des fins, Otto Hahn l’a eu mais pas elle.

Sur la section efficaces, je n’ai pas résisté à l’idée de mettre les courbes complètes, mais sans m’attarder dessus. Ce que l’on voit ce sont les sections efficaces en fonction de l’énergie du neutron incident. La raison pour laquelle ce qui compte dans une bombe, c’est ce qui se produit vers 1MeV, c’est que c’est en gros l’énergie des neutrons émis par fission. Dans le cas de l’énergie nucléaire, on s’efforce d’opérer à une énergie plus basse (autour de 0.025eV) en ralentissant les neutrons, on parle de neutrons thermiques, ce qui a le gros avantage d’augmenter considérablement la section efficace, et donc de justifier d’un enrichissement beaucoup plus faible.

Sur cette courbe (plus complète que celle de la vidéo), on peut voir aussi les sections efficaces associées à un phénomène que j’ai passé sous silence : la diffusion (élastique ou inélastique), ce qui fait que le chemin des neutrons s’apparente plus à une marche aléatoire qu’à une ligne droite comme je l’ai représenté dans la vidéo.

Au sujet des éléments « fissionables », il y a un vocabulaire un peu confus et qui diffère entre l’anglais et le français. L’anglais fissile semble être réservé à ces éléments qui peuvent soutenir une réaction en chaîne avec des neutrons thermiques, là où le terme français semble couvrir les neutrons rapides et thermiques. On utilise parfois fissionable comme une catégorie plus grande des noyaux pouvant subir une fission induite, mais sans qu’une réaction en chaîne soutenable ne soit forcément possible (cas de l’Uranium 238). En théorie, si on tape assez fort, il existe pas mal de noyaux qui peuvent fissionner, par exemple jusqu’au plomb Pb, mais pour lequel les énergies en jeu sont un peu prohibitives.

Je n’ai pas du tout évoqué la question du design des bombes. Comme je l’ai dit, dès qu’une masse critique suffisante est réunie, la réaction en chaîne peut être soutenue et le moindre neutron qui traine peut donc la déclencher. Il faut donc bien se garder de stocker l’uranium 235 en un seul bloc, et la géométrie de la bombe exploite justement ce fait.

On voit ci-dessous un schéma d’un système comme celui de Little Boy, ou une partie de l’uranium (en forme de cylindre creux) est propulsée sur le cylindre « complémentaire » afin de réunir l’ensemble en un seul bloc de masse critique.

Sur les différences entre isotopes 235 et 238, il existe tout de même semble-t-il une légère différence de comportement chimique, mais pas suffisamment exploitable pour l’enrichissement. Il me semble avoir lu qu’il n’avaient pas exactement la même propension à se mettre dans les états d’oxidation 4+ et 6+ (mais je ne retrouve plus la source 😥)

Ah oui sinon je n’ai pas du tout parlé du procédé d’enrichissement par laser, une autre fois peut-être !

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