La vidéo du jour nous parle d’astrophysique, et des processus étranges qui se déroulent au sein des étoiles !
Et comme de coutume, c’est parti pour des compléments !
Les nuages de gaz
Comme je l’évoque dans la vidéo, il y aurait plein de choses à dire sur la manière dont les nuages de gaz se répartissent dans l’Univers, et plus généralement les galaxies et la structure à grande échelle de l’Univers. C’est une question vraiment fascinante et contre-intuitive, je ferai une vidéo sur le sujet, c’est promis !
Si on se focalise sur le nuage lui-même, une question naturelle qu’on peut se poser c’est le temps qu’il met à s’effondrer sous son propre poids. Si on ne considère que la gravité, l’analyse dimensionnelle vient à notre secours puisque si on considère un nuage de densité \(\rho\) (oui je sais, je dis sans cesse densité pour « masse volumique »), la seule manière de fabriquer un temps avec ce qu’on a comme constante, à savoir la constante de Newton \(G\), c’est d’écrire
\(\tau = \frac{1}{\sqrt{G\rho}}\)
C’est le temps de « chute libre » du nuage. En réalité c’est plus compliqué que ça, puisque quand le nuage s’échauffe, la pression rentre en ligne de compte.
J’en profite pour préciser un truc sur lequel je suis passé vite : ce qui est important dans l’affaire c’est qu’il y ait des gradients de température, et donc de pression, car ce sont les gradients qui assurent l’existence d’une force pour contrebalancer la gravité (même si la pression est très élevée : pas de gradient de pression, pas de force !)
Un point intéressant à noter, c’est que quand on prend en compte tous les phénomènes, un nuage doit posséder une masse critique pour commencer à s’effondrer (c’est le phénomène d’instabilité de Jeans), et la masse critique est en général bien plus élevée que la masse d’une étoile seule. Et un nuage se fragmentera ensuite pour donner naissances à plusieurs étoiles.
Un dernier détail que je n’ai pas mentionné dans la naissance des étoiles, il existe un moment juste avant la séquence principale où une étoile peut commencer à s’allumer en fusionnant son deuterium disponible.
La fusion
Concernant le mécanisme de la fusion elle-même, je ne vais pas m’attarder car la vidéo de « J’m’énerve pas j’explique » présente très bien les choses. Et notamment le fait que la barrière coulombienne à franchir (pour que deux protons chargés acceptent de s’embrasser) est d’environ 1MeV alors que l’énergie thermique typique \(kT\) n’est que d’environ 1keV, même à 15 millions de K ! Et c’est là que l’effet tunnel nous sauve la mise.
Une subtilité : pour des raisons énergétiques, la désintégration bêta+ qui transforme un proton en neutron n’est possible qu’au sein d’un noyau comme celui formé par la fusion de deux protons. Heureusement car sinon les protons seuls ne seraient pas stable et les atomes d’hydrogène se désintègreraient ! Il y a d’ailleurs des arguments du « principe anthropique » assez amusants qui expliquent que si les interactions fondamentales étaient très légèrement différentes, les « diprotons » seraient stables, et tout l’hydrogène de l’Univers aurait assez rapidement fusionné en diprotons, empêchant l’apparition des étoiles, et donc de la vie.
Dans la vidéo, je n’ai pas tellement évoqué les routes alternatives pour faire de la fusion. Déjà dans la chaîne proton-proton, il y a des variantes, dont les probabilités sont représentées sur ce diagramme
(source)
En plus de cela, dans certaines étoiles, ça n’est pas la chaine proton-proton qui est dominante, mais le mécanisme dit « CNO », car il passe par des noyaux de carbone C, d’azote N et d’oxygène O pour réaliser la fusion de l’helium.
C’est une réaction que je trouve très belle car on y voit que le carbone joue vraiment un rôle de catalyseur : comme en chimie il facilite la réaction en abaissant la barrière énergétique, mais il n’est pas consommé et il est restitué à la fin de la réaction !
Il y a ce joli graphique qui montre la trajectoire des étoiles dans un diagramme densité/température, avec les courbes correspondant aux différentes réactions de fusion (pp, CNO, triple-alpha…), et les trajectoires que suivent les étoiles dans ce diagramme en fonction de leur masse (en rouge)
(source : le cours de Gary Glatzmaier dont je me suis pas mal servi pour préparer l’épisode) Quand la trajectoire pour une masse donnée croise une courbe de fusion, la fusion démarre et l’étoile reste à ce point jusqu’à ce que le combustible soit épuisé. On voit qu’une étoile d’1 masse solaire s’effondre en remontant la diagonale, croise la courbe de fusion pp, reste un moment à l’intersection, puis reprend sa montée pour croiser la courbe triple alpha avant de dégénérer. Mais on voit que pour les étoiles massives (par ex ici 10 masses solaires), on franchit la courbe de fusion CNO et pas de la chaîne pp.
Structure stellaire
Sur la structure des étoiles, j’ai totalement passé sous silence le mode de transport de la chaleur…qui est pourtant essentiel puisque le transport de la chaleur est liée aux gradients de température, qui sont à l’origine des forces de pression essentielles à la stabilité.
De façon amusante, le mode dominant d’évacuation de la chaleur du coeur vers les couches externes dépend de la masse de l’étoile. Pour une étoile massive, c’est la convection qui domine dans le noyau, et le rayonnement dans les couches externes; alors que pour une étoile comme le soleil c’est l’inverse (radiation au centre, convection autour). Pour une étoile très peu massive, il semblerait qu’on ait de la convection partout. (source)
Un petit calcul amusant : on peut estimer à la grosse louche la température au centre d’une étoile en imaginant qu’un proton qui « tombe » du bord au centre de l’étoile aura une énergie thermique de l’ordre de grandeur de l’énergie potentielle gravitationnelle, et donc en écrivant
\((3/2) kT = GmM/R \)
où m est la masse du proton, M celle de l’étoile et R son rayon. On trouve alors pour le soleil dans les 15 millions de K !
Le diagramme HR
En ce qui concerne le diagramme HR, j’ai évidemment zappé plein de trucs. On peut par exemple mentionner les étoiles variables comme les Céphéides, qui pulsent en luminosité. Ces étoiles sont essentielles car leur période de pulsation est liée à leur luminosité, et connaissant leur luminosité apparente on peut déduire leur distance. C’est un des moyens de mesurer des distances absolues dans l’Univers.
Comme je l’ai dit, je suis aussi passé très vite sur les destins possibles après la séquence principale. Car les détails sont importants (notamment la masse ou la composition de l’étoile) et tout n’est pas encore bien connu. Donc pour les supernovas et autres objets exotiques, ce sera pour une autre fois !
24 Comments
Bonjour David,
Magnifique vidéo, avec de nombreuses explications claires.
Avec ceci, on reste toujours sur sa faim et on en redemande.
Vite vite, une autre !
🙂
Amicalement
Gus
Merci David pour cette vidéo estivale. Ça commençait à manquer. Bonnes vacances et bel été. Éric
Envoyé de mon iPhone
>
Toujours intéressant d’avoir ces notes/compléments !
J’aime beaucoup cette chaîne proton-proton 🙂
Estack
Merci beaucoup pour cette passionnante et très claire vidéo !
Juste une remarque sans intérêt : tu as écrit « le fusion » en tête de paragraphe.
Louis-Juan
Merci pour cette nouvelle vidéo épatante. . On a cru vous avoir perdu. Ouf! Toujours là.
En espérant vous voir aussi sur utip.io pour vous supportez.
Merci pour la vidéo, très intéressante!
Au fait où est passée la vidéo 54??
Coucou, par contre j’ai pas trop compris comment on fait le calcul avec la masse d’un proton, sa masse on le calcule en kg ou en KeV? car en kg je tombe pas du tout à 15 Milliard de k
La masse des particules se mesure en eV (keV).
D’où sortez-vous cette histoire de 15 Milliards ?
Bonjour,
Il y a une chose (parmi plein d’autres) que je ne comprends pas : pourquoi, à la formation du système solaire, chaque catégorie d’éléments s’est regroupée : l’hydrogène avec l’hydrogène pour former le soleil, les éléments plus lourds pour former les planètes telluriques et les gaz pour former les planètes gazeuses ?
Qu’est-ce qui a empêché d’avoir une étoile partiellement rocheuse ?
Cordialement et félicitations, David, pour votre blog,
Patrick
En fait Patrick, tous les éléments chimiques qui se trouvent sur les planètes se trouvent également dans le Soleil: ils étaient déjà là dans le nuage de gaz et de poussière à l’origine du système solaire, en quantités bien plus faibles que l’hydrogène et l’hélium qui sont les composants majoritaires de l’univers.
En effet, les éléments plus lourds ont dû être formés au sein des étoiles: il vous faut donc imaginer que dans la région de l’espace que nous occupons actuellement se trouvaient des restes d’étoiles ayant terminé leur vie avant la naissance du Soleil et du système solaire.
Mais pour les planètes ce sont les réactions chimiques qui ont « piégés » certains éléments chimiques: par exemple hydrogène avec oxygène pour l’eau. L’hydrogène moléculaire a pratiquement quitté l’atmosphère car il est peu retenu par la gravitation terrestre, il en est de même pour l’Hélium: en quantités presque indétectables dans l’atmosphère, parce qu’il s’échappe dans l’espace. Il est produit par l’activité nucléaire du noyau terrestre et on peut en retrouver piégé dans les roches.
Merci pour ces excellentes explications pour les profanes et ceux un peu plus avertis
Bravo, continuez dans ce domaine astronomique passionnant.
Cordialement
Jean
Sur le mail annonçant la nouvelle vidéo on voit effectivement la vidéo .
Mais sur le site science étonnante il n’y a qu’un blanc puis tous les compléments .
??
Merci pour tous ces magnifiques billets.
André.
Mystère la vidéo vient d’apparaître .
Merci.
Bonjour David,
Encore une belle vidéo.
Dommage de ne pas avoir parlé de la mission très prochaine (lancement 11 août !) de la NASA : « Parker Solar Probe » ;
qui aura pour but d’étudier la couronne solaire, dont la température est beaucoup plus élevée que la surface du soleil…
Il y aura également la mission de l’ESA : « Solar Orbiter » en 2020…
On a encore beaucoup de choses à apprendre (et d’énergie à récupérer) de notre belle étoile ! 😉
Bonne continuation !
Article très intéressant, merci pour toutes ces informations, votre site est passionnant.
Bonjour David,
merci pour cette belle vidéo que je vais probablement pouvoir exploiter en classe!
Je viens d’apprendre récemment que les photons créés au centre de notre étoile mettent 100 000 ans pour en sortir en raison de leurs interactions avec le plasma (à l’inverse des neutrinos)…. moi qui croyais que la lumière qui m’arrivait était vieille d’un peu plus de 8 minutes seulement! Non seulement la science est étonnante, mais elle est surtout passionnante!
Encore merci, à bientôt pour un nouvel article j’espère!
Bonjour Jcolaux,
Effectivement le photon qui vient te percuter l’œil est très vieux !
Mais encore plus vieux que tu ne l’imagines, puisque pour « sortir » de ce plasma, il lui faut environ 2 millions d’années !
Donc, on peut dire qu’il a grandit pendant 2 Ma d’années attendant la venue de ton œil, puis voyagé pendant 8 min pour venir s’éteindre dessus.
🙂
Amicalement
Gus
Bonjour !
De retour de visionnage de votre interview par Absol, et suite au fait que je vienne de lire La Formule de Dieu suivi de Le Sceau de Salomon (de José Rodrigues dos Santos) qui vulgarisent, entre autres mindblowing facts pour le néophyte que je suis, le fait que notre réalité n’existe – en partie – que parce qu’elle est observée, en dernier lieu par l’univers lui-même ; j’aimerais beaucoup avoir votre avis à ce sujet.
Et si cela vous inspire une vidéo.. ^^
Je profite de ce commentaire pour m’abonner à votre blog !
A reblogué ceci sur Entre ciel et terre.
Pingback: Plongée Au Coeur Des Étoiles — Science étonnante #55 | JetBip
J’ai quand même une petite critique sur l’emploi du mot « allumage » pour le démarrage de la (des) réaction(s) de fusion. Vu les températures nécessaires, à ce moment la proto-étoile aurait déjà dû émettre depuis pas mal de temps de la .lumière dans le domaine du visible.
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Bonjour David ,
Une question me turlupine : vous dites qu’1 m3 de plasma au centre de l’étoile ne produit que 300 W. Avec un telle puissance volumique, pour qu’un tokamak comme ITER se transforme en centrale nucléaire de 2GW, il faut que le plasma soit retenu dans une sphère de 125 m de diamètre. Cela me semble énorme ! C’est ce qui est envisagé ?
Encore merci pour cette vidéo passionnante.
Bonjour,
Bravo pour ces excellentes vidéo.
Il me semble cependant qu’une petite erreur s’est glissé dans les graphiques : le rayon solaire y est de l’ordre de 700 millions de kilomètres, soit presque 5 unités astronomiques… 700 000 km suffiraient.